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Les Xuông sont capables d’assimiler rapidement différentes langues, notamment celles des ethnies à proximité desquelles ils vivent. |
Photo: Song Anh/CVN |
Depuis des siècles, les Xuông vivent dans les lieux les plus reculés du Vietnam. Leur vie est un combat quotidien, particulièrement en hiver où les températures peuvent être glaciales. Le vent règne en maître et le sol est ingrat. Lors des mois d’hiver, le brouillard s’attarde des jours entiers.
Selon les documents officiels, les Xuông sont une branche de l’ethnie Nùng, également connus sous le nom de Nùng Xuông, répartis dans certaines provinces montagneuses du Nord telles que Hà Giang, Tuyên Quang, Cao Bang… Mais en réalité, les Xuông dans le district de Mèo Vac de Hà Giang nient fermement cette appartenance, argumentant que l’identité culturelle entre ces deux communautés présente de nombreuses différences.
La femme, pilier de la famille
Le village des Xuông est niché au sommet des montagnes. Pour y accéder, il faut souvent laisser son véhicule et marcher par monts et par vaux. "Notre village ne compte que quelques dizaines de familles. Restés à l’écart de la vie moderne, les Xuông ont su conserver leurs coutumes et sont connus pour leur hospitalité", révèle le vieux Nùng Y Hoo, patriarche du village.
Son imposante maison sur pilotis est le lieu d’accueil. Arborant un sourire radieux, Nùng Y Hoo serre chaleureusement la main des visiteurs puis les invite à s’asseoir autour d’un feu. Mais à défaut d’offrir du thé vert comme le veut la coutume chez d’autres ethnies, c’est un verre d’alcool de maïs qu’il propose. "Boire de l’alcool est habituel chez nous, les hommes surtout. Avec cette eau-de-vie de fabrication locale, on exprime ainsi la bienvenue aux visiteurs", explique-t-il.
"Comme le veut la tradition, les hommes Xuông choisissent leurs épouses selon des critères rigoureux, commence le patriarche. La beauté, le charme ou la dextérité importent peu, mais l’âge, oui. La future épouse doit être plus âgée que son mari, c’est un gage de maturité et donc d’efficacité dans la gestion des affaires familiales".
Traditionnellement, c’est en effet la femme qui joue le rôle de pilier de la famille. C’est elle qui se charge des soins et de l’instruction des enfants. C’est elle aussi qui “prend les rênes“ de toutes les affaires de la maison. La femme doit également exceller dans le tissage, métier d’appoint.
"Nos traditions sont transmises de génération en génération. Et tout le monde les observe strictement", indique Nùng Y Hoo.
Dès qu’un enfant Xuông est en âge d’être scolarisé, outre l’école, il est envoyé chez le patriarche du village, auprès duquel il apprend les coutumes, règles de savoir-vivre et devoirs d’un(e) Xuông.
Pour le chef du village, nombreuses sont les règles quotidiennes auxquelles on ne peut déroger, que ce soit en famille ou au sein de la communauté. Par exemple, se laver les mains avec de l’eau parfumée aux fleurs de pamplemousse avant et après chaque repas, ne pas parler lors des repas, ne pas s’approcher de l’autel à l’heure du repas, ou encore ne pas manger de viande de chien ou de buffle. Car "ces animaux domestiques sont considérés comme des membres à part entière de la famille", explique-t-il. Et d’ajouter: "Jamais nous ne déposons de viande sur l’autel des ancêtres, de peur de le salir. Car il s’agit de l’endroit le plus sacré de la maison!".
Par ailleurs, tous les villageois savent chanter le "Phuon", un air traditionnel, et danser aux sons des tambours. "Ces traits culturels font aussi notre fierté", affirme Nùng Y Hoo.
L’homme, un buveur invétéré
Les Xuông vivent dans les lieux les plus reculés du pays |
Photo: Song Anh/CVN |
"Au-delà de ces charmantes coutumes bien préservées, il reste néanmoins chez nous des mœurs arriérées qu’il faut abandonner", avoue timidement Nùng Y Hoo. Et de citer en premier lieu le fléau de l’alcoolisme. "Les hommes boivent, beaucoup trop. Pour eux, mieux vaut souffrir de la faim que de faire une croix sur l’alcool".
Depuis toujours, après les récoltes, les Xuông peuvent vendre leur riz mais certainement pas leur maïs, destiné à être transformé en alcool. Chaque famille produit en effet son propre alcool de maïs.
Une autre particularité des Xuông est leur capacité à assimiler rapidement différentes langues, notamment celles des ethnies à proximité desquelles ils vivent.
Un certain don pour les langues
"Il semblerait que nous ayons un don pour les langues. Il nous suffit d’entrer en contact avec quelqu’un d’une autre ethnie pour en peu de temps être en mesure de dialoguer dans sa langue", révèle Vi Van Pao, un jeune homme Xuông, qui peut parler une dizaine de langues d’ethnies différentes, y compris l’anglais. "J’ai appris l’anglais pendant les jours de marché à Dông Van en interagissant avec des touristes. À présent, je suis en mesure de faire le guide, de présenter aux visiteurs étrangers les mœurs et coutumes de notre ethnie!", vante-t-il avec un large sourire.
À l’école de la commune qui réunit des élèves de diverses ethnies dont les Giáy, H’mông, Muong, Tày, Nùng, Dao, Lô Lô…, ce sont les enfants Xuông qui sont les premiers capables de parler les langues de leurs camarades. "Une ethnie multilingue?", se demande-t-on. Il s’agit en tout cas d’un phénomène singulier dont l’origine reste à ce jour inexplicable.