Thua Thiên-Huê
Les villageois-justiciers de la forêt centenaire

À Siêu Quân, un petit village de la province de Thua Thiên-Huê (Centre), les villageois ont érigé leur propre règlement pour protéger une forêt de barringtonias centenaires, victimes d’arrachages illégaux. Un exemple qui pourrait inspirer d’autres villages.

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Le village de Siêu Quân derrière les rangées de barringtonias centenaires considérés comme «l’âme» et «les protecteurs».
Photo : PLSD/CVN

À 40 km de la ville de Huê (province de Thua Thiên-Huê), le village de Siêu Quân est un écrin de verdure, entouré de la forêt de barringtonias centenaires. Le patriarche des lieux, Nguyên Hiêu, débute la visite en racontant l’histoire de la petite bourgade et de la grande fierté de la région, les arbres séculaires.

D’après lui, Siêu Quân est un village ancien, fondé depuis le XIIe siècle. Peu de temps après sa naissance, les barringtonias ont été plantés partout, et notamment le long des 2 kilomètres de digues pour créer une ceinture verte autour du village. Faisant la fierté des habitants, la centaine d’arbres est considérée comme «le poumon vert», et même comme «l’âme» du hameau.

Une série d’amendes pour punir les coupables

Les barringtonias séculaires sont très appréciés par le milieu des botanistes aficionados au Vietnam, raison pour laquelle ils sont souvent menacés d’être arrachés illégalement. Une raison de plus pour le patriarche de tout faire pour préserver cette mine d’or verte. «Siêu Quân gère actuellement 320 ha de forêts et les barringtonias centenaires occupent 70% de la superficie. Pour préserver ce capital inestimable, nous avons introduit la protection de ces arbres dans notre +huong uoc+, c’est-à-dire dans notre registre de conventions propres au village (voir encadré)», a expliqué Nguyên Hiêu.

À titre d’exemple, si quelqu’un dans le village est pris à arracher un plant ou à abattre un arbre, il sera soumis à une amende entre 500.000 et un million de dôngs. De plus, son nom et son méfait seront répétés à plusieurs reprises dans les haut-parleurs du village et de la région. Le coupable devra, en outre, préparer un plateau d’offrandes à présenter à l’autel de la maison commune, et expier sa faute en présence de tous les villageois.

Un arbre séculaire en période de floraison.
Photo : DSPL/CVN

Jusqu’à aujourd’hui, les villageois jeunes et moins jeunes se rappellent bien l’histoire de la plantation des barringtonias dans leur commune. Nguyên Ba Hiêp, un nonagénaire, raconte en détail la légende. «Il y a environ 300 ans, le mandarin Trân Van Ky rentre au village et apporte de jeunes plants issus d’une nouvelle variété, qui s’avéreront être des barringtonias. Il demande aux habitants de les multiplier pour les planter dans le jardin et partout dans le village notamment sur les digues pour obtenir un espace vert», affirme-t-il.

Cadeau symbolique d’un mandarin

Avant de partir, le mandarin n’oublie pas d’émettre une promesse : lors de sa prochaine visite, on offrira des vêtements chauds pour chaque famille qui aura réussi à planter ces arbres. Peu après son départ, ces derniers ont commencé à se démultiplier. Une dizaine d’années passent, et Siêu Quân se pare d’une forêt de barringtonias verdoyants. «Quand le mandarin est revenu au village pour sa retraite, les villageois s’enquièrent immédiatement de leurs cadeaux promis, reprend le nonagénaire. Il descend de son cheval, et pointe du doigt le petit bois tout en déclarant +ces rangées d’arbres formeront une forêt qui nous protégera des inondations et des typhons. C’est le cadeau le plus précieux que l’on peut vous faire+. Les villageois comprirent dès lors la vision à long terme du mandarin», conclut M.Hiêp.

Pour le Pr-Dr Ngô Duc Thinh, directeur du Centre de recherche et de préservation de la culture et des croyances populaires du Vietnam, introduire la protection de la forêt dans le huong uoc est une décision exemplaire. «Cette initiative devrait être multipliée dans les régions forestières, car la destruction de la forêt devient alarmante», commente le spécialiste.


Zoom sur le huong uoc
Les conventions de village (huong uoc en vietnamien) étaient très populaires sous le régime féodal au Vietnam et portent une grande signification pour les villageois. Maintenant, bon nombre de villages appliquent encore ce type de règlements intérieurs qui regroupent les meilleures opinions et initiatives des vieux notables et des personnages titrés du village. Il jouait un rôle primordial dans la garantie de l’ordre et de la stabilité du village sur le plan idéologique pour élaborer un mode de vie propre à la population. Généralement, le huong uoc porte sur des contenus essentiels tels que la production et le travail, l’ordre social, la protection du village, les transports et communications, la circulation et les routes, la promotion des études et l’encouragement des talents, le culte et la religion, les conduites relatives aux usages sociaux, les cérémonies de deuil et de mariage.


Linh Thao/CVN

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