Les souvenirs d’une période mémorable

Nguyên Ngoc Tiên, journaliste du quotidien Hà Nôi Moi (Hanoi nouveau), possède une collection tout à fait unique, car elle rappelle un passé glorieux et pas très lointain. Il s’agit d’une collection d’objets du temps de la guerre et de l’économie subventionnée.

Pour beaucoup de gens, la période de l’économie subventionnée (années qui ont précédé le Dôi Moi (Renouveau en 1986) est associée à la pénurie matérielle et à la débrouille pour survivre. C’est le temps où tous les biens étaient distribués, où tout le monde faisait la queue avec des tickets de rationnement, des carnets de riz. Mais pour Nguyên Ngoc Tiên, ce fut le temps où les gens étaient plus proches les uns des autres, plus solidaires, où ils vivaient tout simplement ensemble en harmonie, sans aucune discrimination entre riches et pauvres. C’est probablement par nostalgie pour cette période qu’il a commencé à collectionner d’anciens objets, et aussi pour la faire connaître aux jeunes et aux générations futures.

Nguyên Ngoc Tiên et une gamelle à plusieurs cases, très répandue du temps de l’économie subventionnée.

En présentant sa collection de plus de 3.000 objets de la période de l’écono-mie subventionnée, Nguyên Ngoc Tiên a commencé par les coupons d’achat de marchandises. On y voit des tickets pour l’achat de tissu, de piles, de sucre, de pain... «Certains sont intacts, ce qui est très rare», a-t-il déclaré. Il montre aussi un carnet de riz d’une famille de Hanoi en 1980. Les aliments pour toute une famille étaient indiqués dans ce carnet de petite dimension.

En plus des tickets, des carnets de riz, sa collection comprend beaucoup aussi d’objets usuels tels que bols individuels et collectifs, gamelles, bidons émaillés, ventilateurs, horloges, radios... Beaucoup d’autres articles sont conservés chez ses amis car sa maison est remplie à ras bord.

Une bouteille thermos faite à partir de la carlingue d’un avion abattu.  

M. Tiên est fier d’avoir un ancien ventilateur électrique en fonte dont les pales en cuir sont en forme d’oreilles d’éléphant, un quart émaillé que possédaient jadis toutes les familles mais qui est maintenant très rare, ou une cuvette d’aluminium à large anneau...Sa collection comprend également une pierre sur laquelle est gravé un nom. Ce caillou était autrefois utilisé pour faire la queue à la place d’une personne pour acheter de la nourriture. Selon lui, ce produit témoigne de la créativité des gens à cette période.

Un service à thé fabriqué à partir des débris d’un avion abattu.

On y voit aussi deux vélos avec des plaques d’immatriculation. Dans tous les coins de sa maison à trois étages, on trouve de vieux meubles qui rappellent ces années de «vaches maigres». Nguyên Ngoc Tiên se passionne aussi pour les objets de la guerre. Une de ses fiertés ce sont ces meubles, valises, pipes à eau, cendriers, bouteilles thermos faits à partir d’épaves d’avion abattus, d’obus ou de bombes à billes, de douilles de fusées éclairantes... Des billes de bombes ont été recyclées pour faire fonctionner une bicyclette. Nguyên Ngoc Tiên se passionne de plus en plus pour cette intéressante collection, très symbolique et qui montre le génie de l’époque, la capacité de survivre. Cette transformation magique d’objets de mort en objets de la vie quotidienne évoque la période de guerre sous un angle différent, plus apaisé.

Cet Hanoien utilise encore une table et quatre chaises faites à partir de débris d’avion américains. Leurs formes sont simples, mais très significatives pour ceux qui étaient soldats. Une valise faite à partir d’un morceau de B52 abattu dans le ciel de Hanoi est devenue une des pièces maîtresses de sa collection.

Des coupons pour l’achat de pain.

Nguyên Ngoc Tiên nous présente aussi une viole à deux cordes faite entièrement à partir de matériel de guerre. Selon lui, le soldat qui a fabriqué cet instrument devait avoir une grande dextérité et aussi un grand amour pour la musique. Et aussi une belle âme, même à proximité de la mort. Son manche est fabriqué à partir d’un «arbre tropical», un dispositif d’enregistrement des sons disséminé par l’armée américaine le long de la piste de Truong Son et de la DMZ dans le but de détecter le déplacement des troupes ennemies. Sa caisse de résonance est faite à partir d’un tuyau de fusée éclairante et son archet, à partir des barbes d’un «arbre tropical »... Toutes ces pièces ont été combinées pour former une viole à deux cordes complète aux sons envoûtants...

Texte et photos : VNP/CVN

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