Les ruelles de Hô Chi Minh-Ville dans les yeux d'un Britannique

Le Britannique Andrew Stiff, 50 ans, est enseignant-chercheur à l'université RMIT Vietnam. Passionné par les ruelles de Hô Chi Minh-Ville, il a choisi cet espace urbain unique comme sujet de sa thèse de doctorat.

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Andrew Stiff dans une ruelle de Hô Chi Minh-Ville.
Photo : CTV/CVN

Andrew Stiff se souvient bien de sa première impression de la mégapole du Sud. Au sortir de l’aéroport, il découvre qu’il n’a plus son appareil photo avec lui… Quelques minutes plus tard, un Vietnamien le lui apportera avec le sourire. C’est avec ce bon souvenir en tête qu’il accepte avec plaisir de venir enseigner dans une université à Hô Chi Minh-Ville.

Après plusieurs années sur place, le Britannique aime toujours autant cette métropole qu’il a appris à apprivoiser. Il aime particulièrement la vie dans les "hẻm", ces petites ruelles dans lesquelles le visiteur s’enfonce en y suivant les odeurs des marchands de rue. À vrai dire, Andrew les aime tellement qu’il a décidé de les prendre comme thème pour une thèse de doctorat.

De grandes choses au sein de petits espaces

C’est en 2016 qu’il a vraiment commencé à s’intéresser aux ruelles en créant le projet intitulé "Hẻm Sài Gòn" (Ruelles de Saigon, ancien nom de Hô Chi Minh-Ville, ndlr) destiné à compiler des matériaux artistiques depuis plusieurs supports comme illustrations, enregistrements audios, photographie et vidéos.

"Les ruelles de Saigon nous donnent un aperçu particulier de la culture traditionnelle des habitants de la ville. Ici, le mode de vie est différent de celui de mon pays natal et même de nouveaux projets résidentiels urbains de la ville qui n’offrent pas du tout la même expérience. Ces derniers sont construits pour des unités individuelles et n’ont plus en tête pour les besoins de la communauté comme cela pouvait être le cas avant", explique le chercheur.

Parmi tous les lieux de la mégapole du Sud qu’Andrew a visité et documenté, ce sont les ruelles du 4e arrondissement qu’il préfère, celles qui abritaient les gangsters de Saigon avant la réunification du pays en 1975. Selon lui, le matériel récolté est inépuisable : "À chaque fois que je me rends sur le terrain, je vais dans les mêmes endroits et rencontre souvent les mêmes gens, mais l’expérience est à chaque fois différente. J’aime déambuler, regarder autour de moi, écouter les sons et sentir les odeurs particulières de chaque ruelle".

Lors d’une exposition sur les ruelles de Saigon d’Andrew Stiff.
Photo : ST/CVN

Le Britannique est admiratif de tous ces gens qui font de grandes choses dans de si petits espaces. Un simple coin de rue ou quelques mètres carrés d’une maison peuvent se transformer rapidement en un café ou un restaurant. La rue appartient réellement aux habitants qui se montrent très créatifs dans l’aménagement de leur espace de vie.

Andrew pense qu’il faut de nouveau s’inspirer de l’expérience de vie dans ces ruelles pour repenser la ville d’aujourd’hui. "Les ruelles nous aident à comprendre comment utiliser l’espace et comment vivre en communauté. Elles sont très importantes pour toutes les cités du futur, alors que la pollution de l’environnement et les migrations font partie des problèmes brûlants de la ville moderne".

L’étude des ruelles de la mégapole du Sud a, selon ses dires, transformé profondément la vision d’Andrew sur la vie sociale. Ayant visité de nombreuses autres villes comme Melbourne (Australie), Barcelone (Espagne), Rome (Italie) ou Londres (Grande-Bretagne), il n’a jamais retrouvé la relation si spéciale qu’entretiennent les habitants de l’ancienne Saigon avec leur espace urbain. Celui-ci est ainsi totalement défini selon le mode de vie de ses habitants.

Travail abstrait et expérience de vie

À ce jour, Andrew et son équipe disposent d’un millier d’échantillons de films, dont plusieurs versions montées et finalisées. Il a entrepris de développer également un archivage de tous les documents recherchés lors de la réalisation de sa thèse de doctorat.

Grâce à lui, les petites ruelles de plusieurs pays gagnent en visibilité à travers le monde : son film Hẻm 84 a été présenté au Festival du film et de la vidéo expérimentale de Kuala Lumpur 2017 ; le projet "Hẻm Walk 004" au Festival vidéo en Bulgarie 2018 ; le film Hẻm City au Festival du film et de la vidéo expérimentale de Kuala Lumpur 2019. Sans compter les dizaines d’expositions et de tables rondes sur les ruelles qui ont eu lieu à Hô Chi Minh-Ville et où le travail d’Andrew a été présenté.

"Je suis un artiste visuel, pas un écrivain. C’est surtout le travail abstrait réalisé à partir de l’expérience de vie dans ces ruelles qui m’intéresse. Je pense que je garderai en moi jusqu’à la fin de ma vie ces expériences", confie-t-il.

Outre "Hẻm Sài Gòn" qui s’intéresse aux ruelles au cœur de la ville, Andrew développe actuellement un autre projet dans le district de Nhà Bè, situé à la périphérie de Hô Chi Minh-Ville, afin d’examiner les liens entre la campagne et la ville. Il participe également à un projet interdisciplinaire baptisé "Hanoï Ad Hoc", lancé par un jeune architecte vietnamien et consacré spécifiquement à l’histoire urbaine de la capitale ainsi qu’aux créations artistiques et architecturales d’aujourd’hui.

Andrew compte également, après la pandémie de COVID-19, créer des circuits touristiques permettant aux visiteurs de découvrir et interagir de manière originale avec les zones urbaines qu’il aime tant.

Tân Dông - Phuong Nga/CVN

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