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Statue de Nguyên Trai dans le parc de Hà Dông, en banlieue de Hanoï. |
Photo: CTV/CVN |
Nguyên Trai (1380-1442), le plus grand humaniste vietnamien, compte parmi les plus belles figures de l’histoire et de la culture du Vietnam. Uc Trai était son pseudonyme.
À l’époque où les idéogrammes chinois, tout comme le latin en Europe au Moyen Âge, régnaient sur la vie littéraire non seulement du Vietnam, mais encore de l’Asie orientale (Chine, Japon, Corée…), les poèmes en langue nationale (transcrits en idéogrammes nôm) de Nguyên Trai firent l’effet d’une véritable percée linguistique, ce qui n’amoindrit nullement la haute valeur artistique et humaine de ses poèmes en chinois classique han.
Ces derniers adoptent la métrique rigoureuse de la période des Tang (618-907), sommet de la poésie chinoise et joyau de la poésie universelle. Les poèmes de Nguyên Trai, en général, sont le reflet de l’âme et des sentiments d’un lettré intransigeant dont le dévouement confucéen au roi n’est mitigé que par son amour du peuple et de la nature. Son père étant exilé par l’occupant chinois Minh, lui-même soumis à la résidence surveillée, il aida le chef d’une insurrection populaire à mener à bien une dure guerre de résistance de dix ans. Ministre de l’Intérieur et anobli, il dut pourtant se retirer dans la montagne, écœuré par les rivalités de la Cour. Il finit par succomber à un complot monté par des mandarins ennemis. Toute sa famille fut suppliciée.
Couverture du recueil de poèmes "Uc Trai thi tâp" de Nguyên Trai, une réédition de la Maison d’édition Van hoá - Van nghê (Culture et Arts). |
Photo: CTV/CVN |
Comme tout confucéen qui se respecte, Nguyên Trai ne parle jamais dans ses poèmes de ses amours personnels. On pourrait pasticher le titre d’un recueil du poète français Vigny Servitude et grandeur militaires pour donner aux poèmes de Nguyên Trai le nom de “Servitude et grandeur confucéennes”. Voici à titre d’exemples quelques poèmes de Nguyên Trai dans la traduction en vietnamien, en français et en anglais de l’Uc Trai thi tâp entreprise par Lê Cao Phan(1):
(Le poète évoque la victoire fluviale des Vietnamiens sur les envahisseurs mongols au XIIIe siècle).
Sur mer, il vient du Nord une bise accablante,
On passe le Bach Dang toute voile gonflée
Rives, monts et rochers sont l’image vivante!
“Deux hommes contre cent” en terrain favorable
Ont fait de vrais héros à tel point glorieux!
Sont déjà bien lointains ces exploits mémorables
Que d’émotions j’éprouve en fouillant l’eau des yeux.
Depuis qu’ont commencé les affres de la guerre
Le peuple a bien sévi hélas! Mais comment faire?
Fidèle envers les Duong, Tu My garda son cœur
Comme à Bá Nhân, la fin des Tân coûta des plaisirs.
En un an, ceci m’a plus vite fait vieillir
À l’étranger je passe un automne à souffrir
Trente ans de vains honneurs, une vie bien futile!
Tout est comme Nam Kha, ce beau songe inutile!
Dans le jour au déclin, mon sampan amarré,
Je montai rendre hommage en hâte à la pagode
Vers ce lieu froid rentraient les nuages en exode
Quel doux parfum des fleurs jonchant un ruisselet,
Quelques singes pressaient leurs cris au crépuscule
L’ombre des bambous sur le mont s’étirant
Ce paysage ascétique a bien dû m’inspirer
Mais voilà qu’à présent ma mémoire s’annule!
Hélas! De cinquante ans une vie bien triviale!
Ma promesse aux ruisseaux et aux monts est trahie.
Faux honneurs! Vrais malheurs! O poignante ironie!
Pauvres gens! Ils rient de moi, d’une âme loyale.
Le ciel a préservé la vertu et les lettres
Quoiqu’il eût bien prescrit mon triste numéro
Un verso de papier! Quelle honte en ce cachot!
Ma loyauté! Le roi va-t-il la reconnaître?
Huu Ngoc/CVN
(Décembre 2000)
(1). Éditions Van Hoc, Hanoï, 2000.