>>Chine et Philippines renforcent la coopération dans le commerce et l’investissement
Le président Rodrigo Duterte, le 28 février à Manille. |
Les espoirs philippins d'enfin remédier à des décennies de sous-investissement, considéré comme le principal frein au développement, se fondent sur des promesses d'investissements sans précédent de la Chine et du Japon.
Le réseau ferroviaire vétuste de Manille, et ses embouteillages monstrueux, figurent parmi les signes les plus visibles du manque d'infrastructures.
"La ville souffre vraiment aujourd'hui d'un manque de mobilité, il y a vraiment une totale absence d'infrastructures", a déclaré récemment le président, parlant d'une capitale en "décomposition".
M. Duterte et ses collaborateurs répètent à l'envi que ses six années de mandat seront l'occasion d'un "âge d'or des infrastructures". Une somme record de 158,8 milliards d'euros sera investie dans 5.000 projets dans tout l'archipel.
Si cette promesse devient réalité, les dépenses d'infrastructures représenteraient 7,2% du Produit intérieur brut d'ici 2022, contre 1,8% en 2011.
Les Philippines sont classées au 95e rang sur 138 en matière d'infrastructures. Elles sont derrière la plupart de leurs voisins du Sud-Est asiatique, avait estimé récemment le groupe japonais de services financiers Nomura.
Ce déficit pèse lourdement sur le développement économique, disait-il. Le seul coût des embouteillages à Manille représente 4% du PIB, ajoutait Nomura, citant une étude de l'Agence japonaise de coopération internationale.
Vue sur le réseau ferroviaire et les embouteillages monstrueux à Manille en 2016. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les dépenses d'infrastructures avaient commencé à augmenter sous le gouvernement précédent de Benigno Aquino. Mais ses ambitions s'étaient heurtées à de multiples obstacles que M. Duterte devra aussi affronter.
"Les financements sont un moindre problème", explique Rene Santiago, consultant en transports et en infrastructures. Les fonds publics sont abondants, les trésoreries des entreprises philippines débordent et les investisseurs étrangers sont dans les starting-blocks.
"Le plus gros obstacle, c'est les capacités de mise en œuvre des agences publiques des infrastructures".
Les fonctionnaires ayant l'expérience et les compétences pour superviser de tels programmes massifs ne sont pas suffisamment nombreux, ajoute M. Santiago, directeur du consultant Bellweather.
M. Aquino avait essuyé des critiques sévères pour ne pas avoir investi plus dans les infrastructures. Mais, avait-il expliqué, il fallait rallonger les procédures d'appel d'offres pour les rendre plus transparentes et limiter la corruption.
Selon Vincent Lazatin, directeur du Réseau Transparence et Responsabilité, la corruption représente entre 10 et 30% du coût des projets. Quand les parlementaires ont leur mot à dire dans les financements publics, cette part peut grimper à 50%.
Sous la présidence Aquino, un énorme scandale dans lequel étaient mouillés 200 parlementaires a été mis au jour. Mais en vertu de la "culture de l'impunité" qui règne dans l'archipel, rares sont ceux qui sont poursuivis en justice.
Les projets financés par des partenaires étrangers sont aussi vulnérables à la corruption, prévient M. Lazatin. "C'est pendant le processus de négociations (entre Manille et la nation donatrice) que des accords peuvent être passés sous la table".
Le président espère que la Chine sera l'une des premières sources de prêts et d'investissements. Il est revenu de Pékin l'année dernière les poches remplies d'engagements pour 14 milliards d'euros.
Le système judiciaire philippin est également une entrave. Les projets prennent fréquemment du retard à cause de recours introduits par les perdants des appels d'offres, selon Dindo Manhit, du cabinet de recherches Stratbase.