Les contes égrillards

La plupart de nos contes égrillards populaires expriment la sagesse du peuple qui décoche ses flèches contre les travers d’autrui. Pour rire un brin. La gamme du rire «en vietnamien» est d’une grande richesse.

Les contes égrillards s’attaquent à tout et à tous, surtout à ceux qui exploitent les humbles, aux sots, aux vantards, aux hypocrites. Les contes égrillards sont d’une grande variété. En voici quelques-uns tirés dans le tas :

Ayant le sens de l’humour, les Vietnamiens possèdent un riche trésor des contes égrillards

De la souris au buffle

Le mandarin M. est une perle, une exception qui confirme la règle. Il est étranger à toutes sortes de prévarication. Au jour de sa retraite, la population du district qu’il a gouverné voudrait lui offrir un cadeau digne de son intégrité. Les délégués de la localité ne savent quel cadeau choisir. Ils sont assez intelligents pour venir en cachette consulter la femme de son Excellence. Après un moment de réflexion, la dame leur répond :

- Puisque vous voulez à tout prix offrir à mon époux quelque chose, je pense qu’un petit bibelot lui conviendrait.

- Quelle idée magnifique ! s’exclament les délégués. Pourrions-nous vous demander, Madame, sous quelle étoile est né Monsieur le Préfet ?

- Il est né l’année de la Souris. Mais pourquoi cette question ?

- Madame, c’est que nous avons l’intention de lui offrir, en argent, l’animal qui préside à sa naissance, un objet aussi gros que dans le réel.

Quelques jours après, on apporte une souris en argent à la femme du mandarin. Elle accepte le cadeau sans oser rien dire à son époux. Plusieurs années passent. La famille du Préfet retraité doit faire face à des jours difficiles. Sa femme doit tailler la souris d’argent en morceaux pour les vendre afin d’assurer les frais ménagers. Lorsque le mandarin sait d’où vient la souris en argent, il soupire et dit à sa femme :

- Vous auriez dû dire que j’étais né l’année du Buffle ! Pourquoi ne pas agir comme toute la gent mandarinale ?

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Chasteté et intégrité

Un mandarin, comme n’importe quel membre de la gent mandarinale, a comme nom Liêm (Intégrité). Un jour, il vient à une maison de chanteuses-courtisanes.

L’une d’elles se présente sous le nom de Trinh tiêt (Chasteté). Notre auguste client ne peut s’empêcher de sourire. Et de lui demander :

- Y a-t-il encore parmi vous quelqu’une à laquelle le terme Chasteté convient ?

- La fille Chasteté lui répond :

- Que son Excellence me permette de dire la vérité. Si dans le mandarinat, il y a quelqu’un au nom d’Intégrité, il n’y a rien d’étranger que dans notre métier, quelqu’un s’appelle Chasteté.

Ayant le sens de l’humour, les Vietnamiens possèdent un riche trésor des contes égrillards

Le Génie reconnaissant

Un commandant militaire, au dehors farouche, était en réalité un guerrier pitoyable. Ses balles n’avaient jamais pu atteindre la cible plantée dans son jardin. La guerre survint. Dès le premier engagement, ses troupes se dispersèrent, lui prenant la fuite à grandes enjambées. À moitié mort de peur et de fatigue, il vit brusquement apparaître un génie qui l’emmena dans son vol, à la grande surprise et déception de l’ennemi le poursuivant. Quand il fut hors de danger, le mandarin se prosterna devant le génie pour le remercier. Le génie lui dit, souriant :

- C’est à moi plutôt de vous remercier. Je suis le génie de la Cible et vous m’avez toujours épargné.

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Les ailes de l’oie

Un avare reçut, certain jour, un ami.

- Vous venez rarement, dit-il. Mais, hélas, nous n’avons qu’un frugal repas à vous offrir. Nous sommes au regret et vous prions de bien vouloir nous excuser.

Ainsi paria notre avare dont le poulailler regorgeait de volailles dodues à point ! L’ami aussitôt de répondre :

- J’ai mon cheval. Nous n’avons qu’à l’abattre et aurons un festin.

Comment ferez-vous pour rentrer chez vous ? demanda l’hôte.

- Rien de plus facile ! Choisissez seulement parmi vos oies la plus solide. Je rentrerai volontiers à califourchon sur son dos.

Le son du monocorde

Un homme jouait fort mal du monocorde. Mais persuadé d’avoir du talent, il continuait de racler sur son instrument. Un jour, il vit sa voisine, une jeune veuve, toute en pleurs. L’homme crut que les larmes étaient causées par sa musique et son talent. Dès lors, toutes les nuits il se mit à jouer, espérant séduire notre belle. Quand il acquit la certitude que son art avait bien servi, semble-t-il, le destin, il l’aborda.

- Madame, quel chagrin vous ronge donc si fort. Je, me suis aperçu que vous pleuriez dès que je joue du monocorde. S’il en est ainsi, je suis prêt à tout abandonner.

- Monsieur, dit-elle, baissant les yeux, quand vous pincez votre instrument, je ne puis empêcher de penser à feu mon époux.

Notre musicien réjoui, demanda :

- Votre mari était sans doute un joueur des plus renommés ?

- Mais non, lui rétorqua la dame, il était cardeur de coton. Quand vous pincez le monocorde, je crois entendre son métier et c’est pourquoi, monsieur, je pleure !

Trois générations de toqués

Ils étaient trois : le grand-père, le père et le fils. Un jour, le vieux dit à l’enfant :

- Achète-moi pour une sapèque de sauce de soja et une de saumure.

Le petit prend l’argent, deux bols et court à la boutique. Mais il s’arrête et revient :

- Grand-père, quelle sapèque est pour la saumure et quelle sapèque pour le soja ?

- Mais voyons, n’importe laquelle.

Pourtant l’enfant rentre à nouveau :

- Grand-père, dans quel bol faut-il mettre la saumure, dans quel bol le soja ?

Excédé, le vieux prend le rotin et en corrige le gamin. Survient le père de l’enfant.

- Oser ainsi traiter mon fils, que n’en ferais-je autant avec le vôtre.

- Et de se donner à lui-même la bastonnade.

Le grand-père furieux s’écrie :

- Puisqu’il en est ainsi, je vais pendre ton père.

Il paraît que sans les voisins, il se serait bel et bien pendu à la poutre.

Huu Ngoc/CVN

 

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