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L’imagerie populaire est l’un des anciens arts graphiques du Vietnam. |
Photo : CTV/CVN |
Des anciens arts graphiques du Vietnam, on ne connaît en général que l’imagerie populaire. Le mérite revient à trois chercheurs - Phan Câm Thuong, Lê Quôc Viêt et Cung Khac Luoc - d’avoir attiré notre attention sur les composantes oubliées ou négligées de ce trésor : les images sociales et religieuses, les illustrations de livres, les talismans, les œuvres d’art gravées y compris les stèles de pierre, et surtout l’immense collection de livres en idéogrammes chinois (hán) et vietnamiens (nôm) imprimés à partir des planches de bois au cours de sept ou huit siècles. En fait d’imagerie populaire, rappelons deux foyers principaux qui représentent deux styles : le village de Dông Hô et la rue des tam-tams de Hanoï.
Les estampes populaires de Dông Hô
Le village de Dông Hô, district de Thuân Thành, province de Bac Ninh (Nord), fabrique des images du Têt. Aux 11e et 12e mois lunaires, elles étaient vendues à profusion dans la maison communale où venaient acheter des marchands de tout le delta du fleuve Rouge. Gravées sur des planches en bois de plaqueminier, elles sont reproduites sur du papier local en bois de dó enduit de poudre de coquillage blanche. Les couleurs naturelles proviennent de la paille brûlée (noir), du vert-de-gris (vert), de l’indigo (bleu)… Elles reflètent la vie à la campagne (travaux champêtres, fêtes, animaux domestiques, scènes de vie), l’histoire et les récits populaires. Inspirée sans doute par les images populaires chinoises Nienhua (à partir du XVIe siècle), les estampes de Dông Hô portent l’empreinte vietnamienne, en particulier par certains sujets typiquement vietnamiens : cueillette des noix de coco, scène de jalousie…
Au XVIIe siècle, des émigrés chinois fidèles à la dynastie des Minh renversée par la dynastie mandchoue Qing ont sans doute inspiré l’imagerie plus citadine de la rue des tam-tams à Hanoï, réservée par des corporations de graveurs sur bois venues de Liêu Chang et Hông Luc. La technique de la rue des tam-tams diffère de celle de Dông Hô : la première consiste à colorier avec des pinceaux trempés dans des couleurs liquides les dessins des gravures sur bois imprimées sur du papier industriel. La seconde reproduit en plusieurs fois, selon le nombre de couleurs, des traits et des masses (par couleurs) gravés sur plusieurs planches de bois. La rue des tam-tams produisait surtout des images cultuelles (tigres, saints), artistiques et littéraires (illustrations de contes populaires).
Le livre d’art Dô hoa cô Viêt Nam
À part les deux principales sources d’images populaires, citons les images de Huê (Centre), de Kim Hoàng (en banlieue de Hanoï) sur papier coloré, et surtout l’importante collection de 4.577 images exécutées sur la commande du jeune fonctionnaire français H.J. Ogier au cours de la première décennie du XXe siècle. Cette encyclopédie en images (gravures sur bois) a une grande valeur ethnographique.
Couverture du livre "Dô hoa cô Viêt Nam". |
Photo : CTV/CVN |
Les recherches de Phan Câm Thuong, Lê Quôc Viêt et Cung Khac Luoc ont complété nos connaissances des anciens arts plastiques du Vietnam, ce qui nous a valu leur livre d’art Dô hoa cô Viêt Nam doté de documents photographiques magnifiques. Jusqu’à l’introduction de la machine à imprimer occidentale à la fin du XIXe siècle, la xylographie régnait au Vietnam.
On employait des planches de bois gravées en relief pour imprimer des textes bouddhiques et autres textes religieux, des documents de la Cour royale, des images populaires et, en de rares occasions, des contes, des dissertations et des poèmes d’une poignée d’écrivains. La plupart des textes et ouvrages classiques - en idéogrammes chinois et vietnamiens - étaient recopiés à la main.
Aucun texte xylographique n’a subsisté des mille ans de domination chinoise (111 av. J.-C. - 939), même à Luy Lâu (Bac Ninh, Nord), premier foyer bouddhique au Vietnam (Ve-Xe siècles) où sont préservées des planches gravées en sanscrit (et en idéogrammes chinois, ce qui montre la fréquentation des moines indiens et chinois). Par la suite, la xylographie vietnamienne s’est développée avec le développement des différentes sectes Zen (Thiền) viet-namiennes, sous les dynasties royales successives qui ont fait imprimer d’autre part de copieuses Annales historiques, des encyclopédies et des livres classiques. L’épigraphie sur bois, pierre et métal, ainsi que l’imagerie populaire ont pris de l’essor à partir des XVIe-XVIIe siècles.
Outre les centres imagiers connus, les auteurs du Dô hoa cô Viêt Nam dénombrent 300 ateliers de production graphique du passé. En 1960, certaines pagodes préservaient des milliers de planches xylographiques dont une bonne partie a disparu aujourd’hui à cause des intempéries, des insectes et de la guerre. Les livres des XVIIe et XVIIIe siècles s’émiettent. Ceux de la fin du XIXe siècle et du début du XXe sont assez bien conservés. Merci aux auteurs de leurs efforts persévérants pour sonner l’alarme et sauver ce qui peut l’être encore avec leurs moyens limités.