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Une oeuvre du village de broderie de Quât Dông. |
Le père de la broderie vietnamienne est le mandarin Lê Công Hành (1606-1661). Né dans une famille très pauvre, mais intelligent et passionné par les études, il fut reçu Docteur ès humanités et nommé mandarin à la Cour des Lê. En 1646, il fut envoyé en mission en Chine en tant qu’ambassadeur.
Revenu au pays natal, Lê Công Hành enseigna aux gens de son village l’art de broder et de fabriquer des parasols. Les habitants de Quât Dông diffusèrent leur métier dans tout le pays : c’est ainsi qu’à Hanoï, il existait une rue des Parasols, une corporation de brodeurs dans la ruelle Yên Thai où se trouve la maison communale Tu Dinh Thi (ancien marché de broderies), à Huê la rue des brodeurs Câm Tu...
Comme Lê Công Hành a été consacré Génie de catégorie moyenne par brevet royal, son culte est perpétué non seulement au temple de Ngu Xa près de son village, mais partout où vivent les groupes de brodeurs originaires de Quât Dông.
À Quât Dông, chaque atelier occupe un certain nombre d’artisans. La pièce d’étoffe est tendue sur un cadre de bambou reposant sur deux montants. Les contours du dessin sont tracés à l’encre sur une feuille de papier, mince et souple. Cette feuille est appliquée sur l’étoffe à broder, du côté de la broderie.
Les artisans s’accroupissent sur les talons autour du métier et commencent leur besogne. Ils recouvrent en brodant la feuille de papier qui protège le fond de l’étoffe contre le contact de leurs mains. La broderie une fois achevée, ils arrachent le papier très soigneusement dans toutes les parties non recouvertes.
Quand la pièce à broder est un peu longue, il n’est pas rare de voir quelques personnes travaillant ensemble sur le même métier. Il y a des femmes, de petits enfants, quelques fois même de vieux brodeurs dont les yeux munis de grosses lunettes.
Les broderies se font suivant différents procèdes : les uns donnent l’aspect du point de chaînette ; les autres se font avec des applications d’étoffes de différentes couleurs qui permettent d’obtenir des effets de relief.
Les dessins des broderies sont variés : ils représentent des fleurs, des fruits, des oiseaux, souvent quatre animaux sacrés adorés par les Vietnamiens : dragon, licorne, torture et phénix. Les Vietnamiens montrent une véritable habileté à combiner entre elles les couleurs extrêmement vives de leurs soies, de façon à constituer un ensemble harmonieux sans effet criards.
Au 19e siècle, les produits brodés de Quât Dông étaient exportés vers la Chine. À l’époque impériale, les brodeurs étaient au service de la Cour et de l'aristocratie religieuse. Ils fabriquaient essentiellement des objets de cultes pour les pagodes comme parasols, rideaux d’autel, sentences parallèles, bannières. De nos jours, on exécute une multiple d’objets très diversifiés comme mouchoirs, serviettes, nappes de table, draps, tableaux représentant des paysages ou des animaux.
Les artisans du village ont dû en ce moment diversifier leur production vers des articles des drapeaux, des vêtements contemporains, des sacs, des étuis de téléphone... tout en cherchant de nouveaux marchés comme les pays d’Asie orientale et d’Europe occidentale, contribuant à préserver les traditions d’un village artisanal du Vietnam.
Du modèle d’atelier familial, le village de Quât Dông a créé de nombreuses coopératives et ateliers de broderie professionnels qui rassemblent de 200 à 500 artisans dont certains ont acquis une réputation internationale tels que le maître-artisan Bùi Lê Kinh, qui eût l’honneur de confectionner des costumes de cérémonie pour le roi Bao Dai et sa reine Nam Phuong, l’artisan Thai Van Bon célèbre pour ses portraits de broderie représentant des chefs d’État.
L’artisan Nguyên Xuân Duc, l’un des brodeurs les plus expérimentés du village, a fait savoir qu'"une belle broderie est celle dont la trace des points est invisible, la forme du motif bien tracée et les couleurs bien harmonisées".
Les visiteurs peuvent admirer un ouvrage de broderie de Quât Dông à deux faces qui est aussi authentique qu’une photo, réalisé par les fils de soie. En le regardant, ils n’arrivent pas à distinguer le premier et le dernier point.