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Face au recul des ventes de cigarettes (-45% en France depuis 2000), les industriels travaillent depuis des années sur des alternatives, parmi lesquelles des produits du tabac "sans fumée".
Contrairement aux cigarettes électroniques, qui fonctionnent avec un liquide qui peut renfermer de la nicotine, ces produits contiennent bien du tabac. Mais ce dernier est chauffé (jusqu'à environ 300°, selon les dispositifs), générant une "vapeur de tabac", sans atteindre la température de combustion (environ 850°).
Un IQOS, appareil à base de tabac chauffé, le 9 mai dans un magasin de Londres. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Japan Tobacco International (JTI) a ainsi lancé la Ploom, un appareil en forme de stylo qui chauffe des petites capsules de tabac à usage unique, commercialisé en France depuis 2014.
British American Tobacco (BAT) teste depuis décembre 2016 au Japon et depuis avril en Suisse une "chaufferette" rectangulaire baptisée Glo, dans laquelle on insère des bâtonnets de tabac.
Le groupe le plus avancé sur ce nouveau marché est Philip Morris, présent dans 20 pays - dont le Japon, le Royaume-Uni et la Suisse - avec IQOS, là aussi une sorte de stylo, avec des recharges en forme de cigarettes et une "lame chauffante contrôlée électroniquement", a expliqué Tommaso Di Giovanni, directeur de la communication pour les "produits sans fumée".
Depuis le 2 mai, le propriétaire de la marque Marlboro teste le marché français : IQOS est vendu sur internet (à 45 euros seul et 70 euros avec son chargeur) et les recharges sont disponibles, sous la marque Heets, dans 90 bureaux de tabac en région parisienne et neuf à Nice.
Avec IQOS, "il y a moins d'odeur, pas de cendres, pas de fumée", avance Tommaso Di Giovanni.
De plus, ce produit a "un fort potentiel d'être significativement moins nocif par rapport à une cigarette conventionnelle", affirme-t-il, sur la base d'études internes, l'utilisateur s'exposant à beaucoup moins de produits toxiques en l'absence de combustion et donc de fumée.
La Glo produit "90% à 95% moins de substances toxiques qu'une cigarette conventionnelle", a aussi déclaré Eric Sensi-Minautier, directeur des affaires publiques de BAT France, à partir de tests en laboratoire.
"Créer de la dépendance"
"Tout ça est absolument non avéré", avertit Albert Hirsch, professeur de pneumologie, car il n'y a pas encore d'études indépendantes et on n'a pas un recul suffisant sur ces produits.
"L'industrie du tabac nous a déjà fait le coup il y a 40 ans, avec le filtre, puis les cigarettes légères, et on s'est aperçu qu'il y avait des risques majeurs, donc il faut être extrêmement prudent", renchérit Yves Martinet, également pneumologue et ancien président de l'Alliance contre le tabac (ACT).
"La nouvelle Directive européenne sur les produits du tabac stipule qu'il est interdit aux industriels du tabac de prétendre qu'un de leurs produits est moins dangereux qu'un autre dans la mesure où la consommation de tabac tue quelle que soit sa forme", rappelle l'ACT.
"Il est possible que ça soit moins toxique, mais qu'on se fasse tuer par un pistolet 22 long rifle ou par une kalachnikov, dans les deux cas, on est mort", résume le Pr Bertrand Dautzenberg, spécialiste de la lutte contre le tabac
Même s'il y a "beaucoup moins de monoxyde de carbone dans l'air expiré qu'avec les cigarettes", il y en a quand même un peu, souligne-t-il.
Il y a aussi des substances cancérigènes naturellement présentes dans le tabac, même sans qu'il soit brûlé : les nitrosamines.
Enfin, ce produit est "fait pour créer de la dépendance", estime le Pr Dautzenberg. En effet, "une fois allumé, on doit prendre les 10 à 15 bouffées en cinq minutes" - contrairement à une cigarette électronique.
Cela entraîne des "pics de nicotine", phénomène qui augmente le nombre de récepteurs de la nicotine et "entretient la dépendance", explique-t-il.