>>Un festival des Thai classé au patrimoine culturel immatériel national
>>Les ethnies minoritaires des hauts plateaux du Centre
>>À la découverte de la beauté cachée de Dak Lak
La fête du temple Chin Gian, une coutume ancestrale des Thai de la province de Nghê An (Centre). |
Photo : Vietnamnet/CVN |
Au pied de la montagne Pú Chò Nhàng, à l’ouest de la province de Nghê An, le temple Chin Gian (littéralement "Neuf pièces") est un lieu sacré où les autochtones Thai des neuf villages de la commune de Châu Kim du district de Quê Phong viennent annuellement en pèlerinage pour témoigner de leur gratitude envers leurs ancêtres et les divinités créatrices de leur ethnie. Il s’agit d’une fête printanière imprégnée de la culture Thai, soulignée par un rite impressionnant : le sacrifice de buffles.
"La fête du temple Chin Gian est une coutume ancestrale des Thai de Nghê An. Tenue au printemps, elle se compose de rites que les autochtones de neuf villages ont préservé jusqu’ici", indique Sâm Van Binh, expert en culture d’ethnie Thai. Cette fête annuelle a lieu durant trois jours, du 14e au 16e jours du 2e mois lunaire. Quelques jours avant, chaque village envoie au temple un homme de prestige, surnommé Chau Hua (souvent le chef du village) afin d’y pratiquer un culte aux divinités. Ces hommes, vêtus d’une longue tunique sans pantalon, doivent rester au temple jusqu’à la fin de la fête.
Des rites festifs originaux
Les préparatifs s’effectuent dans les neuf villages concernés. Chacun d’eux doit préparer comme offrandes un beau buffle, neuf paniers de riz, neuf cochons, 90 poulets, 90 brochettes de poissons séchés, neuf jarres d’alcool… Sans oublier des bandes d’étoffes. Le jour de la fête, dès le petit matin, chaque village fait une procession de ces offrandes vers le temple. Dirigée par Chau Hua, la procession comprend des "délégués" placés selon l’ordre suivant : vieillards, notables, Monsieur Ap (celui chargé de laver le buffle), la femme chaman, des jeunes filles, et enfin les villageois. Tous portent le costume traditionnel Thai.
Un buffle est amené au temple Chin Gian. |
Photo : Vietnamnet/CVN |
Les cérémonies cultuelles s’effectuent avec des rites différents. Le premier jour est destiné aux génies gardiens du trésor souterrain, avec comme offrandes de la viande de porc, des poulets et des poissons. La cérémonie principale, appelée Hap Quai (le sacrifice de buffles), se déroule le 2e jour devant la porte du temple. Les buffles sacrifiés sont plutôt des bufflons bien portants.
Quand la cérémonie cultuelle commence, tour à tour, les neuf villages s’adonnent à des rites bien codifiés. Une file de gens, dirigée par le chaman, comprend le Chau Hua (chef du village), Monsieur Ap et des vieillards, exécute trois tours autour du buffle afin d’exprimer leur accord, avant que le buffle ne soit conduit par Monsieur Ap au bord de la rivière de Nâm Giai. Là, le buffle est lavé symboliquement.
Se tenant dans les eaux, Monsieur Ap jette de l’eau avec ses mains, neuf fois en tout, sur le buffle. Puis le buffle est conduit dans la cour du temple où un poteau de bois a été planté. Monsieur Ap y attache le buffle. Avec un couteau, il simule un égorgement. La scène finie, l’animal est amené à la zone de sacrifice où il est abattu puis brûlé en surface. Il est ensuite déposé sur l’autel du temple, dédié au culte des divinités. Tour à tour, les neuf villages procèdent aux mêmes rites, puis à la cérémonie cultuelle principale dans le temple. Les cérémonies durent jusqu’à la fin du 3e jour.
Renforcer les liens communautaires
Les rites finis, chacune des neuf femmes chamans se voit offrir une tête de buffle. La viande est partagée en trois parties pour le Chau Hua, la dame chaman et la communauté villageoise. Pendant trois jours, les villageois doivent s’abstenir de certaines activités quotidiennes, comme pilonnage du riz, jouer du gong et du tambour…
Statues de buffles au temple Chin Gian. |
Photo : Vietnamnet/CVN |
Quant au Chau Hua, chef du village, il est le dernier à quitter le temple. Chez lui, devant l’autel des ancêtres, il procède encore à des rites cultuels. D’un air solennel, il ouvre une jarre d’alcool dans laquelle il met neuf tiges à siroter, imaginant que les génies et les ancêtres reviennent savourer de l’alcool sacré. Ensuite, il invite les gens organisateurs de la cérémonie à assister à la cérémonie cultuelle chez lui, avant de prendre part à un festin communautaire. S’ensuit une soirée joyeuse aux sons de tambour, de danses et chants folkloriques… au travers desquels l’on formule des vœux pour la paix du village, la santé et le bonheur des villageois, la prospérité de toute la communauté.
"La fête du temple Chin Gian est l’occasion pour les Thai d’exprimer leur gratitude envers les divinités, génies et ancêtres, mais aussi leur solidarité communautaire, leur amour pour la terre natale", conclut le chercheur en culture Thai, Sâm Van Binh.
Nghia Ðàn/CVN