Binh Thuân
Le rayon du phare de Kê Gà balaie la mer depuis 120 ans

Dans la province de Binh Thuân, entre Kê Gà et Mui Né, les plages sont l’attraction touristique principale mais des alternatives d’excursions thématiques existent : nuoc mam et architecture.

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Le chaos de granit et le menhir de la pointe.

Il faut tout la privation de liberté dans le confinement du coronavirus pour mesurer dans ses souvenirs toute l’étendue enthousiaste et joyeuse d’une journée à la découverte des joyaux de la côte de la province de Binh Thuân, dans le Centre du Vietnam.

Démarrer de bon matin du verdoyant jardin de la pension "No-stress" sur les hauteurs de Mui Né pour se rendre à la pointe de Kê Gà attise la curiosité d’un Breton parti de son village d’irréductibles Gaulois pour revenir une nouvelle fois à la découverte du Vietnam.

Mais quelle surprise à l’arrivée, la pointe de Kê Gà est constituée d’un chaos granitique entouré de végétation variée adaptée au climat marin. Le fort vent de décembre, les vagues viennent entourer les roches ocres blondes dans le généreux soleil d’hiver. Si certaines roches sont arrondies comme des moellons par l’usure des vagues, d’autres se dressent tendues vers le ciel.

L’inclinaison et la masse de ces roches vont inévitablement penser à des baleines sortant de l’eau prêtes à accomplir le fameux saut, juste avant de retomber dans des jets d’écume. Sur un promontoire, au-dessus de ces baleines de pierre, comme un signe, un amer comme disent les marins, trône un immense obélisque de granit. Il semble avoir été apporté là, non pas par un pharaon égyptien, mais plutôt comme le veut sa forme mégalithique, par un des grands amateurs de menhirs : Obélix, le Gaulois de la bande dessinée.

Énorme, massif sur son promontoire. Les quelques touristes gravissent les roches aux alentours pour prendre en photo ce curieux monument, vestige de l’érosion et de la longue histoire géologique de la pointe de Kê Gà. Mais la plupart des touristes viennent pour visiter un autre monument, lui aussi un monolithe : le phare de Kê Gà mis en fonction en 1900.

Il fut érigé du temps de l’occupation française en 1897 sur une île à quelques encablures de la pointe. Au bout de l’île, un éperon rocheux évoque une tête de poulet donnant ainsi son nom au lieu : Kê Gà. Cet ancêtre vieux de 120 ans lance sa silhouette gracile dans la solitude de ce bout de terre. Un petit temple jouxte un hôtel aux cabanons circulaires.

Un restaurant avec une terrasse avec vue sur le phare offre une carte simple et délicieuse : poissons aux légumes et petits poulpes roses aux tentacules recroquevillés. Directement, du producteur au consommateur. Quelques pêcheurs attablés à côté fêtent joyeusement leur retour de pêche. Sans conteste, une pêche miraculeuse à en juger par l’amoncellement de multiples canettes de bières jonchant le sol.

Retour vers Mui Né

La longue route côtière vers la prochaine halte au marché Phù Thuy offre le témoignage de l’expansion touristique du Vietnam. Outre les nombres hôtels existants, de "nouveaux mondes" touristiques, sortes d’immenses villages, sont sortis de terre. Mais déjà, les panneaux publicitaires des promoteurs proposent une vue des maisons à construire dont l’inspiration architecturale ressemble étrangement aux lotissements américains. Bien loin de la simple architecture typique du pays. Sans doute le fruit d’un goût d’une modernité mal comprise dans une volonté entrepreneuriale de copier l’étranger ?

La flottille de bateaux de pêche de Mui Ne.

Mais en continuant sa route, en franchissant le pont du port de Phan Thiêt, la flottille à quai de nombreux bateaux de différents tonnages permet d’évaluer le poids économique de la pêche. Mais aussi de comprendre pourquoi la qualité gastronomique des produits de la mer est omniprésente dans le pays. À la sortie de la ville, en direction de Mui Né, le long de la rivière, les nombreuses entreprises de nuoc mam (saumure de poisson) proposent des visites.

Du nuoc mam de production artisanale

Mais, c’est le hasard et la curiosité fortuite du voyageur qui nous amèneront chez M. Nguyên, petit producteur artisanal de nuoc mam à Mui Né : le Tân Vân. Bien connue pour son odeur si caractéristique et sa teneur en protéines et minéraux, ne serait-elle pas la potion magique de la culture vietnamienne ? Devant mon intérêt pour les jarres alignées dans la cour devant la maison, Loan, la fille de la maison, nous invite à rentrer.

À peine assis sous le préau de la maison qu’un fameux thé vert glacé nous est offert. Mais comme démonstration de la qualité de la production artisanale, une mangue verte est découpée en fines lamelles. Il faut les tremper dans un mélange de sucre, de piment et de nuoc mam. L’effet potion magique fonctionne à merveille, même si le mélange semble un peu inédit pour le Breton plus habitué à déguster des sangliers à la broche que de la saumure de poisson. Mais ce n’est pas seulement en contemplant le panorama exceptionnel de la baie de Mui Né que nous sera délivré la secrète recette de la potion magique de poissons.

"Mon père se déplace pour acheter directement les harengs aux pêcheurs. Lors des mois de juin, juillet, août, c’est l’époque de l’année où il rapporte les lots de poissons à la maison", explique Loan, une des plus ferventes supportrices de l’activité familiale. "Chaque jarre est remplie à ras bord. Avec comme proportions un panier de sel pour trois d’anchois. Une fois pleine, il pose dessus de grosses pierres sur un croisillon de bambou et une bâche pour compresser le mélange poisson-sel. Il faut entre six mois et un an pour produire un bon +nuoc mam+".

La cour de la maison est donc occupée par une trentaine de jarres de terre cuite surmontées d’un couvercle rappelant la forme emblématique du chapeau conique national. Bien exposées au soleil, pour ne pas que le vent fasse s’envoler les couvercles de vieux pneus de motos couronnent les couvercles.

M. Nguyên soulève délicatement un des couvercles pour nous montrer le précieux liquide couleur de miel. Une fine pellicule de fermentation de cristaux blancs flotte en surface. Elle est doucement brassée pour nous révéler le délicat liquide. Un tuyau de soutirage pend le long des jarres. Nous voici repartis vers de nouveaux horizons, équipés à la ceinture d’une gourde nuoc mam.

Même si certaines compagnies d’aviation n’acceptent pas sa présence à bord des avions, ma gourde de nuoc mam Tân Vân a terminé son périple en Armorique, sur la table d’un banquet. J’en ai même arrosé mon sanglier rôti. La création gastronomique n’est-elle pas faite que d’échanges et de bouleversements des us et coutumes ?

Texte et photos : Alain Thomas/CVN

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