Le président chilien exclut de démissionner, malgré trois semaines de crise sociale

Sebastian Piñera reconnaît qu'il est "responsable d'une partie" des "problèmes qui se sont accumulés depuis 30 ans" mais exclut de démissionner : en cette troisième semaine de contestation au Chili, le président Piñera s'est dit ouvert à la discussion et n'écarte pas une réforme de la Constitution.

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Le président chilien Sebastian Piñera, le 26 octobre à Santiago du Chili.
Photo : AFP/VNA/CVN

Dix-huit jours après le début d'une fronde sociale inédite qui a fait 20 morts au Chili considéré jusqu'à récemment comme un des plus stables d'Amérique latine, la mobilisation ne faiblit pas. Des dizaines de milliers de manifestants sont descendus lundi dans les rues, donnant lieu à de violents affrontements avec les forces de l'ordre. Mardi 5 novembre, quelque 2.000 personnes se sont rassemblées sur la Plaza Italia, dans la capitale, selon la municipalité de Santiago, où de légers incidents ont été rapportés.

Cible de nombreuses critiques, le chef de l'État, Sebastian Piñera, qui gardait le silence depuis plusieurs jours, a balayé l'éventualité d'une démission, que réclament de nombreux opposants.

"J'irai jusqu'à la fin de mon mandat. J'ai été élu démocratiquement, par une large majorité de Chiliens, j'ai un devoir et un engagement envers mes électeurs et envers tous les Chiliens", a affirmé Sebastian Piñera, interrogé par la BBC.

Après avoir commencé par réprimer la crise sociale, décrétant l'état d'urgence, faisant appel aux militaires et instaurant un couvre-feu, le président s'est dit mardi 5 novembre pour la première fois ouvert au dialogue.

Les manifestations quotidiennes ont été émaillées d'échauffourées, de pillages et d'accusations de violences policières.

"Nous sommes disposés à discuter de tous les sujets, y compris une réforme de la Constitution", a-t-il déclaré après plusieurs jours sans annonce, un fait inhabituel pour ce dirigeant hyperactif et omniprésent.

Approuvée en 1980 lors d'un référendum polémique sous la dictature, la Constitution a été rédigée pour garantir au régime d'Augusto Pinochet et aux partis conservateurs de conserver leur pouvoir, même une fois la dictature terminée en 1990.

Autocritique

Des manifestants lors d'incidents avec la police à Santiago le 5 novembre.

Mardi 5 novembre, le président, ancien hommes d'affaires milliardaire, encore impuissant à calmer la colère de son peuple, a annoncé une série de mesures pour les PME affectées par la crise.

Les 6.800 entreprises concernées par les destructions, pillages et incendies depuis le début de la crise, devront bénéficier d'aides financières, d'assouplissements dans les paiements et de réductions d'impôts.

La crise a également affecté le peso qui a perdu ce m 1,8% - à 749 pesos pour un dollar - sa plus faible valeur depuis 2003, et les analystes estiment qu'il pourrait encore baisser. Selon un sondage de l'institut Criteria, 79% des Chiliens pensent en revanche que les manifestations "auront des conséquences positives".

Le président Piñera avait dû annoncer mercredi 6 novembre l'annulation du sommet de l'Apec (forum de coopération économique Asie-Pacifique) qui devait se tenir à Santiago les 16 et 17 novembre, et de la conférence de l'ONU sur le climat COP 25, également prévue dans la capitale en décembre.

Ces deux événements auraient dû permettre au Chili et à son président, qui rêvait d'une poignée de main avec son homologue américain Donald Trump, de briller sur la scène internationale.

Nouvel accroc ce mardi 5 novembre : la Conmebol a annoncé le déplacement à Lima au Pérou de la finale de la Copa Libertadores de football, initialement prévue le 23 novembre à Santiago entre River Plate et Flamengo.

"La révolution est possible" proclame ce graffiti sur un mur de Santiago le 3 novembre.

Sebastian Piñera, qui a dégringolé dans les sondages et affiche la popularité la plus basse depuis le retour de la démocratie en 1990, a concédé des erreurs et formulé des éléments d'autocritique.

"Nous n'avons pas écouté avec suffisamment d'attention, nous n'avons pas compris clairement le message. Et ceci n'est pas une critique dirigée uniquement envers le gouvernement", a-t-il expliqué, parlant de "problèmes accumulés ces 30 dernières années".

"J'assume ma responsabilité, mais je ne suis pas le seul", a-t-il ajouté, précisant qu'il pensait "augmenter les ressources" financières et "améliorer la qualité des politiques sociales".

Lundi 4 novembre, les rassemblements en divers endroits de Santiago et d'autres villes, comme Valparaiso et Viña del Mar, ont donné lieu à de violentes altercations entre manifestants et forces de l'ordre.

Des manifestants affrontent la police anti-émeutes à Santiago, le 5 novembre.
Des manifestants affrontent la police anti-émeutes à Santiago, le 5 novembre. Photo : AFP/VNA/CVN

La crise sociale a commencé le 18 octobre après l'annonce d'une augmentation du ticket de métro, qui a été depuis annulée sans faire retomber la colère populaire.

Révoltés par les inégalités sociales et une élite politique jugée totalement déconnectée du quotidien de la grande majorité des Chiliens, les manifestants réclament notamment une réforme du système de retraites et une révision de la Constitution, tous deux hérités de la période de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), ainsi que de profondes réformes du modèle économique ultralibéral chilien.

AFP/VNA/CVN

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