Des débris du B-52 abattu le 27 décembre 1972 à Hanoi. |
Le lac de Huu Tiêp se situe au bout d’une ruelle du quartier de Ngoc Hà. Une ruelle chaotique et étroite où les marchands ambulants, les kiosques itinérants et les bicyclettes se bousculent. Il faut être patient pour franchir ces 300 mètres avant d’atteindre ce vestige historique du Diên Biên Phu aérien. Au premier abord, il est difficile d’apercevoir cette carcasse de B-52 abattu par l’armée nord-vietnamienne qui s’est écrasé dans le lac. Près de 40 années sont passées et l’avion ressemble surtout à un tas de fer. Mais, ce tas de fer a fait la fierté des habitants de Ngoc Hà, et de tous les Vietnamiens.
«Une fois que l’avion s’est écrasé, l’eau a débordé et elle était si chaude qu’elle nous brûlait les pieds. Beaucoup de poissons sont morts», témoigne Nguyên Thi Thin. Autour de cette femme de 74 ans, ses voisins qui boivent du thé sont eux aussi originaires du village. Ils sont nés et ont grandi ici. Et c’est non sans émotion qu’ils se remémorent tous cet événement. «Pour les habitants de Ngoc Hà, le fait que le B-52 soit tombé au milieu du lac constitue un événement extraordinaire», ajoute Mme Thin. Le nom du lac de Huu Tiêp signifie «apporter la victoire» (en sino-vietnamien). C’était un signe prémonitoire de cette victoire lors du Diên Biên Phu aérien et, en plus, c’est le seul vestige de la destruction de B-52 à Hanoï.
Terrain de jeu pour les enfants
«Avant, les eaux du lac étaient très claires. On s’y baignait régulièrement durant l’été. Ce tas de métal au milieu dulac nous intriguait. On s’y approchait de plus en plus et un jour on a grimpé dessus. C’est devenu notre terrain de jeu !», confie Duong Hung Diêm, le fils de Mme Thin. Le jeune, assis à l’auberge, avait deux ans quand l’avion s’est écrasé.
Très peu de personnes de l’âge de M. Diêm vivent encore à Ngoc Hà. Pour la plupart, ils se sont mariés et sont partis ailleurs. Mais chaque fois qu’ils retournent au village, ils n’oublient pas, comme M. Diêm, de passer par le lac. «En admirant Huu Tiêp et le reste de l’avion, nous nous souvenons de nos années d’enfance. Nous sommes très fiers que notre lac soit reconnu par l’État comme vestige historique».
Symbole douloureux
Mme Nguyên Thi Ton a près de 80 ans. Son mari et trois autres proches sont morts dans la soirée du 27 décembre. Une bombe a traversé le toit de l’abri où sa famille se cachait. Elle n’a pas explosé, mais l’abri s’est effondré – tous n’ont pas pu échapper la mort. Si Mme Ton perd la vue, ses souvenirs restent encore très vifs, lorsqu’elle revient sur ces années de guerre difficiles où son mari est mort, et l’a laissée avec cinq enfants. Cette dame courageuse ne s’apitoie pas sur son sort et reste très calme même lorsque qu’elle aborde les frappes ennemies. «Chaque fois que je vois le lac de Huu Tiêp et le reste du bombardier B-52, mon mari me manque!».
Le village des fleurs de Ngoc Hà est devenu un quartier. Les maisons poussent comme des champignons. Les carrés de fleurs ont laissé place à des maisons et des stands. L’école primaire Ngoc Hà se situe tout au bord du lac. De la première classe à la 5e, les enfants connaissent un peu l’histoire du bombardier américain. Entre deux cours, un professeur concède : «Notre école se situe près du lac. Nous faisons des efforts pour que nos élèves puissent comprendre la signification de ce vestige. C’est important de nourrir la fierté de la tradition indomptable de nos ancêtres».
Une partie du moteur du B-52 abattu dans la nuit du 27 décembre 1972, exposée au Musée de l’histoire militaire du Vietnam à Hanoi. |
Phuong Mai/CVN