Le gouvernement en mode équilibriste sur l'avenir énergétique de la France

Loi énergie critiquée et finalement modifiée in extremis, débat miné sur la taxe carbone, objectifs difficiles à concilier... Le gouvernement, qui doit aussi composer avec un contexte social tendu, peine à convaincre sur ses ambitions climatiques.

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François de Rugy le 5 février à l'Assemblée nationale.

La décision confirmée ce dimanche 10 mars par l'exécutif a été timidement saluée par les ONG et certains élus: le gouvernement a décidé de revoir sa copie sur la loi énergie qui devait être présentée en Conseil des ministres lundi 11 mars. "Il y a eu des demandes de préciser certains aspects, certaines dispositions. Ce que nous allons faire donc, c'est reporter d'une semaine ou deux (la présentation du projet de loi, NDLR). C'est juste une question d'améliorer encore le texte pour le rendre plus ambitieux sur le climat", s'est défendu le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy lundi matin 11 mars sur RMC/BFMTV.

"On souhaite rendre le texte plus ambitieux, notamment en matière d'efficacité énergétique et de baisse des émissions de gaz à effet de serre", a abondé le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux à l'issue du Conseil des ministres. Cette décision intervient quelques jours après l'appel d'Emmanuel Macron à "aller plus fort, plus vite et plus loin" dans la transition écologique, lors d'un échange dans le cadre du grand débat.

Le gouvernement va donc réintroduire des objectifs précis de réduction d'émissions de gaz à effet de serre en plus de l'atteinte de la "neutralité carbone" en 2050, c'est-à-dire un équilibre entre émissions de CO2 et retrait de l'atmosphère de CO2, par exemple via les puits de carbone (forêts, sols, etc.). Le futur texte va aussi restaurer l'objectif d'une baisse de 20% des consommations d'énergie en 2030 par rapport à 2012, alors que la précédente version tablait sur -17%, une décision très critiquée notamment par le Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Plus qu'une ambition relevée, l'ONG Réseau action climat a noté lundi 11 mars ce "recul évité", tout en regrettant le maintien du report de 10 ans, de 2025 à 2035, de la baisse de la part du nucléaire dans la production d'électricité. Le texte vise en effet à modifier la loi sur la transition énergétique de 2015 sur des points que le gouvernement ne jugeait pas atteignables. C'est un préalable à la publication définitive de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) d'ici 2028.

Pris entre deux feux

Le gouvernement avait déjà souffert pour accoucher de cette PPE, présentée avec plusieurs mois de retard fin novembre par le président de la République, au début du mouvement des "gilets jaunes". Elle actait finalement la fermeture de 14 réacteurs nucléaires d'ici 2035, l'arrêt d'ici 2022 des quatre centrales à charbon encore en fonctionnement sous réserve que la sécurité d'approvisionnement électrique soit garantie, et des trajectoires de développement pour les énergies renouvelables (éolien, solaire, biogaz, etc.).

Mais depuis, l'exécutif doit naviguer entre des vents contraires: malgré le besoin de moyens pour financer la transition énergétique, il a été contraint de revenir sur la hausse de la taxe carbone face au ras-le-bol fiscal ambiant, mais il a aussi reçu une pétition signée par plus de 2,1 millions de personnes soutenant un recours contre l'État pour "inaction climatique". La mobilisation se structure aussi au Parlement. Plus d'une centaine de députés de tous bords ont envoyé ce week-end une lettre au Premier ministre, que l'AFP a pu consulter, pour réclamer plus d'ambition dans les énergies renouvelables. Et un groupe de 70 sénateurs avancent leurs propositions "pour répondre au défi climatique".

"Le grand débat national doit dessiner les contours d'un nouveau contrat social, qui réponde aux enjeux de redistribution et de protection sociale, mais aussi aux exigences d'une action résolue sur les grands enjeux climatiques et environnementaux", écrivent ces derniers. Dans le même temps, une commission d'enquête à l'initiative du groupe LR se penche actuellement à l'Assemblée sur le coût des énergies renouvelables et leur "acceptabilité".

"Je suis bien conscient de la gravité de la situation à la fois du point de vue écologique et du point de vue social", a assuré François de Rugy lundi 11 amrs, en insistant par exemple sur l'engagement de l'État à accompagner socialement l'arrêt des centrales à charbon, la lutte contre la précarité énergétique et l'adoption de véhicules plus propres.


AFP/VNA/CVN

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