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Temple du Grand Bouddha à Hanoï. |
Photo : CTV/CVN |
Grand Bouddha est la traduction erronée du terme vietnamien "Quan Thánh", lui-même mal orthographié.
L’orthographe exacte est Quán Thánh (avec un signe diacritique sur Quán) et non Quan Thánh. Quán Thánh signifie "Temple dédié à un saint taoïste", tandis que Quan Thánh signifie "Saint mandarin", ce qui est une erreur(1).
Pour le colon français arrivé à la fin du XIXe siècle au Vietnam, tous les temples se ressemblaient et adoraient Bouddha, d’où le nom de Grand Bouddha.
Quatre sortes de temples
Or, il faut distinguer au moins quatre sortes de temples.
Premièrement, les chùa (pagodes) qui célèbrent le culte des Bouddhas. Deuxièmement, les van miêu, van tu et van chi dédiés à Confucius. Troisièmement, les đình, maisons communales consacrées au culte des génies tutélaires des villages. Quatrièmement, les đên et miêu pour le culte de toutes sortes de génies. Parmi eux, le quán est un temple taoïste.
Le pseudo Grand Bouddha dont il est question plus haut est en réalité un génie taoïste (adoré dans un quán). Son nom est Huyên Thiên Trân Vu (Guerrier chargé de la Garde du Ciel Sombre), c’est-à-dire la partie septentrionale du Ciel. En l’an 1010, quand le roi Lý Thái Tô transféra la capitale à Thang Long (l’actuel Hanoï), il chargea également le Génie de la garde du Nord(2) de la Citadelle royale (Hoàng thành) de la défendre contre l’attaque des démons et des mauvais esprits.
Statue du seigneur Guerrier Sombre (Huyên Thiên Trân Vu) au Temple du Grand Bouddha. |
Photo : CTV/CVN |
Selon la mythologie chinoise adoptée par les croyances vietnamiennes, il existait à côté et au-dessous du Seigneur d’En Haut (Thuong đê) cinq seigneurs, maîtres chacun d’un secteur du ciel, désignés par la couleur du point cardinal sous son autorité : Seigneur Sombre ou Noir (Nord), Seigneur Vert (Est), Seigneur Rouge (Sud), Seigneur Blanc (Ouest), Seigneur Jaune (Centre).
Guerrier Sombre de Quán Thánh
Le seigneur Guerrier Sombre (Huyên Thiên Trân Vu) relève du principe femelle (Yin). Régnant sur le Nord, il représente l’obscurité, le noir, le froid, la nuit et la mort. Ses symboles sont le drapeau noir, le serpent et la tortue qui sont des animaux à sang froid.
Tous ces attributs caractérisent la statue du Guerrier Sombre de Quán Thánh. Œuvre de bronze couverte d’une patine d’un noir brillant, elle mérite son surnom de "Grand Bouddha", puisqu’elle mesure près de 4 m et pèse 4 tonnes. Fondue sur l’ordre d’un seigneur Trinh en 1681, elle ne compte par sa taille dans la statuaire religieuse de Hanoï, d’autre rivale que l’Amitabha (A Di Ðà) de bronze (fondue en 1953) de la pagode Thân Quang (rue Ngu Xa). Le Génie est représenté en costume de prêtre taoïste, les cheveux flottant derrière la nuque, les pieds nus, la main gauche en position d’exorciste, la main droite appuyée sur la poignée d’un glaive autour duquel s’enroule un serpent, tandis que la pointe repose sur la carapace d’une tortue. Le fondeur de la statue, maître Trong, de la Corporation des fondeurs Ngu Xa, a également sa statue honorée dans le temple.
À l’époque de sa prospérité, le sanctuaire était fréquenté par de nombreux pèlerins, en particulier les lettrés candidats qui venaient y quêter un oracle en vers.
Serti dans un cadre de verdure et jouxtant deux lacs - ceux de l’Ouest et de Trúc Bach -, le temple Quán Thánh(3) offre un paysage pittoresque. Une façade composée de quatre piliers quadrangulaires (1893) qui en faisait partie est malheureusement séparée de l’ensemble par la rue de la Jeunesse (Thanh Niên), d’ailleurs très belle. Après avoir franchi le portique à trois portes abritant une cloche de bronze (1,5 m ; 1681), on traverse une cour plantée de manguiers ombreux. Le sanctuaire forme le fond de la cour. Sur la façade est scellée une boiserie finement sculptée, laquée rouge et or. Une plaque sonore en bronze (khánh) est suspendue dans la nef. Quatre autels précèdent le sanctuaire dans lequel on entre par un étroit corridor. Le pèlerin pourra alors contempler le Génie Gardien du Septentrion qui trône dans la pénombre pleine de mystère.
(Janvier 1998)
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1. C’est après la Révolution d’Août de 1945
que les autorités municipales de Hanoï rectifièrent l’orthographe.
2. L’Ouest est confié à Ling Lang, le Sud à Cao Son
et l’Est à Bach Ma (Génie du Cheval Blanc).
3. Transféré au site actuel au XVe siècle (1474).
Reconstruit plusieurs fois (1677, 1856 et 1893).