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Une vue du vignoble de la famille Pinto dans le désert israélien, le 17 août. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Depuis trois ans, les Pinto font pousser leurs treilles dans le Sud d'Israël, pays à la forte production viticole quoique peu ou mal connue des palais et papilles à l'étranger.
Dans un décor quasi lunaire, aux premières lueurs du jour, avant que le soleil n'atteigne son zénith et rende la chaleur accablante, des vendangeurs des villages voisins cueillent les raisins noirs et goulus destinés à la première cuvée des Pinto.
"Avec 325 jours de soleil par an, nous devons irriguer les vignes nous-mêmes et nous sommes donc maîtres de la situation, sans dépendre des caprices de la météo", explique David Pinto.
Cet été, en France, les fortes chaleurs ont accéléré la maturation du raisin, contraignant des viticulteurs à devancer leurs vendanges de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines. Et avec la sécheresse, des producteurs du Bordelais ont dû demander des dérogations pour irriguer leurs jeunes vignes mal-en-point.
"Des viticulteurs bordelais sont venus nous rendre visite à la suite de la canicule en France", raconte M. Pinto, directeur du vignoble éponyme qui, comme les autres domaines du Néguev, utilisent des systèmes de micro-irrigation au goutte à goutte, une possible solution, selon lui, face au réchauffement climatique global.
"Nous partageons maintenant des défis communs, avec le climat extrême et la sécheresse qui nuit aux raisins", explique-t-il, marchant entre les grappes de grenache, l'un des cépages les plus utilisés pour le vin du Néguev avec le chenin blanc, variété qui se démarque dans des boutiques spécialisées d'Israël avec des bouteilles à plus de 100 shekels (30 euros).
Les bulles du désert
Les Pinto sont loin d'être les seuls viticulteurs du Néguev. Au cours des dernières années, plus de 25 vignobles ont bourgeonné dans cette région aride, comme Ramat Neguev, situé face à l'Égypte, ou Nana, planté au pied du cratère de Ramon.
En plein cœur du désert, Ilan Abitbol, conseiller pour de nombreux vignobles en Israël, tente différents assemblages sur une petite parcelle, question de trouver l'alchimie parfaite des cépages pour ce terroir extrême.
"La température du Néguev donne une identité particulière aux vins de la région, plus sucrés, plus forts en alcool, une identité (viticole) israélienne classique", mais qu'il faut ajuster à un terroir désertique.
David Pinton (gauche) et Yaakov Oriya dégustant du vin produit dans un vignoble dans le Néguev israélien, le 23 août. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Nous sommes habitués aux températures extrêmes alors qu'en Europe, les changements climatiques ont un impact sur les vignes qui ne sont pas habituées à ces températures (...). On peut les conseiller mais on peut pas exporter le désert", dit-il.
Pour Yaakov Oriya, star locale parmi les oenologues et conseiller pour plusieurs domaines, le "climat extrême" représente un défi pour évaluer les cépages et les assemblages correspondant le mieux à ce terroir.
"Le Néguev a accueilli des vignobles dans la période byzantine, nous ne sommes pas les premiers à faire du vin dans cette région mais faire fleurir le désert ça reste un magnifique objectif", souligne-t-il.
"Il y a plus de 300 vignobles en Israël, mais, finalement, les vins se ressemblent un peu alors que quand tu es confronté à un terroir différent, comme ici, tu peux créer des vins différents", estime M. Oriya.
Un exemple ? Il promet des vins de dessert mais aussi un pétillant du Néguev fait avec la méthode champenoise, une première mondiale dans un désert, soutient-il.
Négligeant les oliviers et les arganiers de leur domaine, pourtant plus coutumiers des températures désertiques, les Pinto sont encore sur un marché confidentiel avec 55.000 bouteilles prévues cette année.
Pour cette famille, le vignoble n'a pas qu'une vocation commerciale mais aussi sociale, pour développer l'économie d'une des régions les plus isolées et périphériques du pays.
"Créer un vignoble ici, à Yeruham, participe à nos efforts d'aide au développement de la région", affirme Jimmy Pinto, le père de David, qui a crée un réseau scolaire aidant plus de 25.000 jeunes dans les zones périphériques.
"C'est un grand défi, mais de la même façon que nous pensons que les enfants de cette région peuvent être les meilleurs, nous voulons produire un vin qui sera le meilleur et dans les deux domaines, ça prend du temps avant de voir les fruits de nos investissements", dit-il.