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C’est un drame qui se joue sous le regard impuissant de la population du delta du Mékong, qui voit ses terres arables se déliter à vue d’œil. Les images satellites montrent que près 90% des 600 km de la façade maritime du tentaculaire delta sont en proie à l’érosion. Chaque jour, la région perd en moyenne l’équivalent d’un demi à un terrain de football. Et il n’y a pas que près des côtes que les terres se désagrègent...
Érosion sur la rivière Cai Bè dans la province d’An Giang. |
Photo : Minh Tri/VNA/CVN |
Une région attaquée sur tous les fronts
Illustration avec l’îlot de Ca Dôi, district de Thôt Nôt, province de Cân Tho, qui se trouve entre les bras Hâu et Cân Tho. En 1960, Ca Dôi s’étendait sur 20 ha. Les locaux y pratiquaient la culture du riz et de la canne à sucre, bien aidés par ces terres limoneuses très fertiles. En 1990, Ca Dôi n’occupait plus que 6 ha et, selon les autorités du district de Thôt Nôt, il a totalement disparu en 2005.
L’îlot voisin de Tân Lôc semble voué à pareil sort. Ces dernières années, des milliers de mètres cubes de terre ont été emportés par les flots. En dix ans, Tân Lôc a perdu dix hectares. Ses habitants ont dû se déplacer à plusieurs reprises pour éviter d’être «avalés» par le fleuve.
Les régions de l’ouest du delta du Mékong, en amont, sont aussi victimes de la forte érosion, notamment les îlots Long Phu Nhuân et Thanh Binh dans la province de Dông Thap, et Cho Moi, province d’An Giang. Dans la seule province de Dông Thap, plus de 2.100 familles se trouvent dans les zones menacées.
Selon le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, ces dernières années, l’érosion a emporté 500 ha de terres par an dans le delta du Mékong, qui recense 265 zones sujettes à ce phénomène sur une longueur totale de 450 kilomètres le long des cours d’eau. Il en va de même pour le littoral, qui recule chaque année de 30 à 40 mètres sur une bande d’environ 200 km de long.
Et les perspectives ne sont pas bonnes. En 2050, environ un million de personnes vivant dans la région seront affectées par l’érosion.
Sablières et barrages, un cocktail explosif
Si la montée du niveau des mers est un facteur important de ce phénomène, la surexploitation de sable dans les lits des cours d’eau et la construction de nombreux barrages hydroélectriques ont aussi des effets désastreux, avec la perte d’un volume colossal de sédiments alluvionnaires.
Dans les 13 provinces que compte le delta, 126 organisations et entreprises sont autorisées à exploiter le sable le long du Mékong. D’après des scientifiques, si cette exploitation intensive se poursuit au rythme actuel, l’intégralité de la réserve de sable des bras Tiên et Hâu sera épuisée dans 30 ans.
Chaque année, la province de Cà Mau perd des centaines d’hectares de terre côtière. |
Entre 2008 et 2012, 27 millions de mètres cubes de sédiments ont été extraits dont 86% de sable. En outre, de 1998 à 2008, 200 millions de mètres cubes de boues et de sable ont été prélevés au niveau des bras Hâu et My Tho.
À côté de cette exploitation irréfléchie et non encadrée, l’érosion est aggravée par la construction de barrages sur le lit principal du fleuve en amont. En plus d’interrompre le cours normal de la rivière et de modifier le régime des crues naturelles, les études montrent que si les 38 retenues hydroélectriques prévues sont construites dans les pays riverains, le volume de sédiments charrié diminuera de... 96% ! Ce qui engendrerait une véritable catastrophe avec, entre autres, des impacts irrémédiables sur l’agriculture et les populations de poissons, dont certaines espèces seraient condamnées à l’extinction, et un lessivage général des sols du delta.
Comment faire face ?
Le ministère des Ressources naturelles et de l’Environnement vient de présenter au gouvernement un plan visant à lancer 24 projets de lutte contre les changements climatiques dans le delta du Mékong pour la période 2017-2020. Ces projets concernent essentiellement la construction, la réfection et la consolidation de digues maritimes et fluviales dans des secteurs particulièrement vulnérables, la construction de systèmes de contrôle de la salinité et de réservoirs d’eau douce, l’implantation ou la restauration de mangroves ainsi que la création de moyens de subsistance durables pour les populations locales. Le coût total de l’opération est estimé à 11.000 milliards de dôngs.
Mais le problème de l’érosion ne sera pas résolu dans l’immédiat, si tant est qu’il le soit un jour, comme l’a signalé le Comité de pilotage pour la région Sud-Ouest, qui a informé que la situation était restée compliquée au premier semestre de l’année, en particulier dans les provinces de Cà Mau, Bac Liêu, Soc Trang, Trà Vinh et Bên Tre.
Huong Linh/CVN