>>Les maisons communales des Sán Chi à Bac Giang
>>Les particularités culturelles des San Chi
>>Un club qui préserve la culture populaire à Tuyên Quang
Des femmes San Chi. |
Des femmes San Chi. |
À une centaine de kilomètres au nord de Hanoï, après avoir pris la route provinciale de Bac Giang, notre voiture s’arrête à Trai Cong, hameau de San Chi, commune de Kiên Lao. Nous sommes chaleureusement accueillis à la Maison de la culture flambant neuve par une dizaine de jeunes montagnards et montagnardes, rayonnant de santé et de joie de vivre dans leurs costumes indigo.
Les San Chi sont également appelés San Ti, San Tu, appellations différentes qui proviennent des mots chinois hán “Son Tu” qui signifient “enfant, peuple de la montagne”. Leur groupe forme avec le groupe de Cao Lan une ethnie nommée “San Chay” ou encore “San Chi - Cao Lan” qui compte environ 100.000 habitants établis dans les provinces montagneuses du Nord de Tuyên Quang (anciennement Hung Hoa), Bac Kan, Thai Nguyên, Lang Son, Quang Ninh, Bac Giang… Ils appartiennent à la famille linguistique Tày-Thái. Originaire de la province du Guangdong au Sud de la Chine, ils ont émigré au Nord du Vietnam il y a plus de 400 ans.
Les San Chi pratiquent le culte des ancêtres et adorent le Dieu du sol, mais ne pratiquent pas le bouddhisme ou d’autres religions universelles. Leur passion, qui est aussi celle des Cao Lan, est le Sinh ca (chanson populaire). Il existe des recueils de Sinh ca communs à ces groupes ethniques qui peuvent chanter une dizaine de nuits d’affilée.
Un chant alterné de filles et de garçons
Les airs du "Sinh ca" sont des couplets interprétés en alternance. |
Photo : CTV/CVN |
Ces chansons fascinent femmes et hommes de tout âge et de toute condition. On les chante les jours de fête mais aussi en toute occasion. On va même à Lang Son pour inviter les compatriotes San Chi à venir à Kiên Lao joindre leurs voix à celle des locaux. Les partenaires viennent par dizaine ou vingtaine, deux jours avant la date prévue pour faire des préparatifs. Ils séjournent chez les hôtes de cinq à sept jours. Le 18e jour du 2e mois lunaire marque le grand jour du Sinh ca.
Le Sinh ca compte quatre variétés. Le Chu coôc (Chant diurne) se chante entre les filles et les garçons qui se rencontrent durant les jours de fête, ou sur la route, près d’un ruisseau, dans la forêt, au marché… Questions et réponses se suivent sous forme de poèmes chantés, chacun comprenant quatre vers de sept pieds (mots) écrits en idéogrammes hán (chinois) et prononcés en San Chi. Cet héritage comprend des centaines de chansons-poèmes types qu’il faut apprendre par cœur pour les employer selon les circonstances, mais on peut tout aussi bien en improviser. La joute de chansons cesse quand la partie adverse ne peut trouver une réponse satisfaisante.
Si c’est un groupe de garçons qui vient au village, c’est aux filles de l’endroit de chanter avant, et vice versa. Il va de soi qu’on commence par des salutations :
"… Petite sœur, vous habitez, un village,
Notre rencontre a-t-elle été arrangée par un heureux hasard ?
Qu’il me soit permis de chanter un morceau pour vous le demander".
Une feinte de modestie :
"… Le petit oiseau n’ose pas se percher sur une haute branche".
Viennent les confidences :
"Je rame, ma barque rencontre une cascade,
J’arrête ma barque pour regarder les poissons nager
Le dragon crie trois fois puis entre dans la pluie
Le tigre crie trois fois puis se perd dans la forêt
Le cœur est lourd quand il faut se séparer :
Je ne crains ni la montagne haute ni le fleuve profond,
Si la montagne est haute, on la gravira par la pensée
Si le fleuve est profond, il y aura un passeur".
Apprécier les airs du Cnang Côô
Les San Chi font partie des 53 ethnies minoritaires du Vietnam. |
Photo : CTV/CVN |
Le Cnang Côô (Chant nocturne), la forme de Sinh ca la plus riche, se chante dans la maison ou dans la cour, assis sur des nattes. On les chantait durant sept nuits consécutives, aujourd’hui seulement cinq. Le nombre de chansons dans ce répertoire peut atteindre le millier. On réduit chaque nuit le nombre de chansons (ex : 200 - 160 - 150 - 140 - 50). On chante le soir à 07h00 ou 08h00 pour continuer jusqu’à l’aube.
Les partenaires, venus de loin, se tiennent devant la porte de l’hôte pour s’annoncer avec une autre autre chanson. Le maître (la maîtresse) de la maison les invite à entrer par une autre chanson. Le groupe ami s’assoit sur un lit, face au lit sur lequel est assis le groupe local. À la lumière des lampes à huile, on boit du thé, on fume du tabac, on chique du bétel, tout en échangeant des chansons-poèmes (quatre vers de sept pieds) :
"… Comme je traverse la forêt, j’entends les insectes crier
Comme je traverse la rivière, je vois le dragon manger de la mousse,
Votre petite sœur passe, elle n’a pas peur du dragon.
Elle serre d’une main la corne du dragon, elle passe.
… À la cinquième veille, on se sépare à la porte
On se dit au revoir, les larmes aux yeux.
Les coquericos du coq d’or résonnent, me voici loin de toi
Mon cœur est si triste, le sais-tu, frère ?".
Outre le chant diurne et le chant nocturne, mentionnons le chant nuptial et le chant de la cérémonie d’initiation donnant un nouveau nom aux garçons de 18 ans (le 2e ou 4e jour du 1er mois lunaire).
Rendons hommage au musée de Bac Giang qui a publié le Recueil de chansons populaires San Chi de Kiên Lao - Luc Ngan (2003) qui réunit 1.058 chansons-poèmes (idéogrammes chinois, transcriptions phonétiques en san chi et hán-viêt, traduction en vietnamien).
(Juin 2004)