Un échantillon de boutons de vêtememts exposés le 9 février dans "Déboutonner la mode" au Musée des arts décoratifs, à Paris. Photo : AFP/VNA/CVN |
D'un portrait miniature de femme attribué à Fragonard au XVIIIe siècle à des pièces de paruriers pour la haute couture au XXe siècle, quelque 3.000 boutons sont présentés dans "Déboutonner la mode".
Acquise par le musée en 2012, la collection a été rassemblée sur une période d'environ 25 ans par l'artiste et écrivain Loïc Allio, qui a couru les brocantes, les salles de ventes, chiné sur internet. La passion du bouton, il l'a attrapée grâce à sa mère, antiquaire, qui lui a offert le premier.
"Derrière cet objet il y a des artistes, des artisans, on retrouve toute l'histoire de l'art à travers le bouton", explique-t-il. "En plus c'est en France qu'il y a les plus beaux boutons : 90% des boutons présentés ici sont d'origine française".
Des boutons signés Yves Saint-Laurent à l'exposition "Déboutonner la mode", le 9 février au Musée des arts décoratifs. Photo : AFP/VNA/CVN |
Céramique, perles, raphia, cuir, fourrure, nacre, métaux, plastique... l'exposition présente la diversité des matières utilisées et retrace l'évolution de cet objet, apparu dans le costume occidental à partir du XIIIe siècle.
Jusqu'au XVIe siècle toutefois, le laçage reste le moyen d'ouverture et de fermeture le plus courant, explique Véronique Belloir, la commissaire de l'exposition. Et "au XIVe siècle la mode est aux manches très serrées, on les coud chaque matin et on les découd chaque soir", rappelle-t-elle. "Le bouton est un moyen d'ouvrir et fermer de façon beaucoup plus simple !".
Des boutons de nacre à l'exposition "Déboutonner la mode", le 9 février au Musée des arts décoratifs. Photo : AFP/VNA/CVN |
"Objet luxueux"
"C'était un objet luxueux qui choquait la morale chrétienne", indique encore l'historienne de la mode, soulignant également que chez les "Amish et les Quakers, les hommes ne portent pas de boutons parce que c'est trop ostentatoire".
Le premier âge d'or du bouton se situe à la fin du XVIIIe siècle. Sa valeur dépasse alors souvent celle de l'habit. Il permet de définir le rang et sert aussi à afficher ses opinions, révolutionnaires ou royalistes.
À cette époque il apparaît dans la mode féminine. Il souligne le corset, la crinoline. "Les femmes alors ne déboutonnent aucun bouton, pas comme aujourd'hui, on ne laisse pas un col de chemise ou un corsage en partie déboutonné", souligne Véronique Belloir.
Industrie florissante qui employait au XIXe siècle plus de 30.000 personnes, le bouton connaît un deuxième âge d'or grâce à la haute couture au XXe siècle, notamment avec Elsa Schiaparelli. L'une de ses créations de 1937, une veste ornée de spectaculaires et volumineux boutons en forme de papillons, trône dans une des salles de l'exposition.
Le bruit des buttons
Depuis, malgré l'utilisation croissante de la fermeture éclair, des boutons pression ou du velcro, "le bouton n'a jamais été supplanté par aucun autre système de fermeture si novateur soit-il, explique Véronique Belloir. Il implique un certain maintien, une certaine élégance".
L'une des mécènes de l'exposition, la femme d'affaires libanaise Mouna Ayoub est une inconditionnelle du bouton. "Un modèle qui n'a pas de boutons ne m'intéresse pas! Dernièrement j'ai choisi une robe chez Chanel qui en a trente", confie cette collectionneuse de haute couture, habillée d'une veste Dior rose ornée de trois boutons d'apparat de chaque côté.
Son amour des boutons remonte aussi à l'enfance, quand à cinq ans elle allait piocher dans la réserve de boutons de la couturière de sa mère, Juliette, pour décorer ses poupées.
"Elle recevait ses boutons de Paris et je les aimais, j'aimais leur forme, leur matière, et puis le fait qu'elle les mettait sur les vêtements de ma mère. Certains brillaient, d'autres avaient des matières plus naturelles. J'aimais le bruit qu'ils faisaient", se souvient-elle.
"Déboutonner la mode", du 10 février au 19 juillet. Musée des arts décoratifs.
AFP/VNA/CVN