L’automédication, un problème croissant au Vietnam

Aujourd’hui, on trouve encore des gens qui parviennent à se procurer des antibiotiques et autres médicaments spécialisés sans aucune ordonnance. Une situation fréquente dans certaines pharmacies privées du pays. Enquête.

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La plupart des patients achètent des médicaments pour se soigner contre des pathologies ordinaires telles que rhume, diarrhée... Mais on constate également des achats pour le traitement de maladies chroniques plus grave, cardiaques, diabète, arthrose, sur Internet, souvent sur recommandations de proches. Aujourd’hui, les antibiotiques sont devenus des médicaments très recherchés.
Mme Lê Thi Hiên, du district de Hoc Môn, a confié que chaque fois que son enfant est malade ou présente des symptômes comme une légère fièvre, des maux de gorge…, elle se rend à la pharmacie pour acheter des médicaments en exposant les ceux-ci. Les pharmaciens n’exigent pas d’ordonnance médicale et lui vendent directement des médicaments. Après administration, la santé de son enfant s’améliore, donc depuis la première fois, elle fait toujours ainsi.

Des patients achètent sans difficulté de puissants antibiotiques dans les pharmacies privées.


Selon les directives du ministère de la Santé, les pharmacies privées ne doivent vendre que des médicaments sur ordonnance. Néanmoins, la plupart des pharmacies ne respectent pas cette réglementation pour réaliser davantage de bénéfices! Par exemple, les antibiotiques qui sont particulièrement contrôlés et ne peuvent être vendus que sur ordonnance, s’obtiennent sans difficulté...
Ainsi, dans une pharmacie de la rue Hai Bà Trung (1er arrondissement), nous demandons, en nous faisant passer pour un client, du Zinat qui est un antibiotique vendu sur ordonnance. À notre grande surprise, le pharmacien répond spontanément à notre demande sans poser de question ni demander pour quel usage. Lorsque nous lui demandons un produit similaire pour enfant de moins de 16 ans, sa collègue nous sort du Medxil dosé à 100 mg avec toutes les prescriptions nécessaires.
Nous décidons de faire la même chose ailleurs, en demandant cette fois-ci de l’Augmentin à 250 mg pour les plus jeunes et, là aussi, nous sommes servis sans aucune aucun problème.
Défis à relever
Le même schéma se répète dans d’autres pharmacies. Le propriétaire d'une de celles-ci, dans l'avenue Xô Viêt Nghê Tinh, arrondissement de Binh Thanh, nous dit même clairement que la concurrence étant tellement forte, il ne peut exiger d’ordonnances de ses clients. Certains pharmaciens vont même jusqu’à vendre des antibiotiques très puissants uniquement pour briller et se faire une bonne réputation.
De récentes études réalisées par le Département de gestion des examens et traitements des maladies du ministère de la Santé révèlent que 9 acheteurs sur 10 se procurent des antibiotiques sans ordonnance, un produit qui représente un quart des médicaments vendus quotidiennement.

Selon une étude réalisée sur plus de 1.000 dossiers médicaux de 19 grands hôpitaux de Hanoi, Hai Phong et Hô Chi Minh-Ville, la résistance aux antibiotiques atteint un taux faramineux de 74%.


Selon les médecins, le Vietnam est l'un des pays aux risques élevés en matière de vente de médicaments justement pour cette possibilité d’obtenir aisément des produits spécialisés et/ou puissants.
Dans certains pays européens, il est quasiment impossible d’acheter des médicaments sans ordonnance. Pham Thiên Nhân, qui étudie en France, a affirmé que l’habitude des Vietnamiens est d’abord d’aller à la pharmacie, avant même de consulter un médecin. Or en France, on n’achète pas ce que l’on veut, et les ordonnances sont soigneusement contrôlées par les pharmaciens afin d’écarter les faux.
Nguyên Van Bùi, médecin et directeur adjoint de l’hôpital Nguyên Tri Phuong, a indiqué qu’«actuellement, de nombreux pays étrangers utilisent encore des médicaments qui ne sont plus efficaces au Vietnam à cause d’une résistance élevée acquise par la consommation. C’est le cas, par exemple, de l’Amoxicilline qui n’a plus que peu ou prou d’effet sur les malades vietnamiens. Autre exemple : pour les maladies de l'estomac, le médicament HP compte 4 variétés, mais aujourd’hui au Vietnam, on ne peut utiliser que la quatrième génération de celui-ci».
De nombreux cas de résistance médicamenteuse
Les médecins de l'hôpital Nguyên Tri Phuong confirment observer fréquemment de nombreux cas de résistance médicamenteuse, ce qui exige d’élaborer des protocoles de prescription différents selon chaque patient. C’est souvent le cas, par exemple, pour les pneumonies. Le docteur Tôn Thât Quang confie qu’«en réalité, ce sont les patients qui subissent les conséquences de leur comportement. Les résistances aux médicaments conduisent à des traitements plus longs et plus lourds, d’un coût plus élevé : de 10 à 20 fois plus chers qu’une prescription ordinaire».
Selon une étude réalisée sur plus de 1.000 dossiers médicaux de 19 grands hôpitaux de Hanoi, de Hai Phong et de Hô Chi Minh-Ville par le Département de gestion des examens et du traitement des maladies, la résistance aux antibiotiques atteint un taux faramineux de 74%. Il s’agit d’une situation réellement préoccupante car, au-delà des risques de santé pour le patient, elle entraîne des coûts très élevés pour la société.
Selon les spécialistes, pour minimiser la résistance aux médicaments, il faut mieux contrôler l’achat et la vente de médicaments, outre les directives habituelles auprès des prescripteurs, notamment d’éviter autant que faire se peut les produits puissants. Cela implique un coût ici aussi, en raison des contrôles à effectuer régulièrement dans les pharmacies privées. Enfin, il faut aussi sensibiliser la population à cette problématique de l’automédication qui, au-delà des risques personnels, est dangereuse en termes de santé publique.

Quang Châu/CVN

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