L’armoise pousse beaucoup sur les friches ou dans les jardins. |
Photo: CTV/CVN |
Un ami des miens, vétéran reporter des deux guerres d’Indochine, m’a raconté une anecdote au sujet du général Vo Nguyên Giap (1911-2013) et l’armoise à Diên Biên Phu.
Début 1954, le commandant en chef était confronté à une décision stratégique qui devait décider du sort de la bataille. Au lieu d’une "offensive éclair en vue d’une victoire éclair", faudrait-il provisoirement retirer les canons disposés à grand-peine sur des pics élevés entourant le camp retranché français pour adopter une stratégie de grignotage de longue durée, mais plus sûre et moins coûteux en vies humaines? Il se torturait les méninges au point que sa tête était près d’éclater. Pour le soulager, on dut lui appliquer sur le front des emplâtres d’armoise chauffée.
Une percée gastronomique
Avec un certain mieux-être de la population citadine dû au Renouveau depuis 1986, le ngai cuu a fait une percée gastronomique.
En ville, plus d’un restaurant sert des mets de ngai cuu comme spécialisés: ragoût de poulet (gà tân) aux herbes médicinales dont le ngai cuu; poulet et ngai cuu crus ébouillantés à table même, avec comme épice du gingembre (lâu gà); omelette au ngai cuu (trung ngai cuu)…
L’omelette à l’armoise est un plat très bon pour la santé. |
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Chez nous, nombre de légumes ont valeur de médicament. On croit que les feuilles de ngai cuu employées comme légume ont des vertus toniques pour le sang. C’est ainsi que l’armoise figure dans le menu quotidien sous forme d’omelette au ngai cuu, de bouillon de porc ou de poisson diêc au ngai cuu. On peut aussi la consommer bouillie comme le populaire liseron d’eau, mais en le trempant dans du sel et non dans du nuoc mam ou de la sauce de soja.
L’armoise (Artemisa vulgaris) est une herbe vivace haute de 40-80 cm, à feuilles pennati partîtes, vertes en dessus, tomenteuses et blanches en dessous. Elle se rencontre en Asie et en Europe, poussant à l’état sauvage au bord des routes ou cultivée dans les jardins. C’est l’une des 16 plantes médicinales dont notre ministère de la Santé encourage la culture dans les jardins de plantes médicinales à l’échelon village.
On cueille les feuilles en été, souvent à la période du Têt du 5e jour du 5e mois lunaire. Avec d’autres parties de la plante, elles sont employées fraîches ou séchées à l’ombre. L’armoise contient une huile à cinéol et alpha-thuyone.
Employée dans la médecine occidentale, elle est surtout prisée par la médecine orientale qui la considère excellente pour les femmes. C’est un médicament tonique, antispasmodique, emménagogue. On le prescrit également contre la menace d’avortement, la dysenterie, le vomissement, la colique, le rhumatisme, la névralgie, le mal de tête.
Chez nous, plusieurs recettes traditionnelles font usage de l’armoise: cataplasme contre le mal de tête, le rhumatisme, les douleurs lombaires, bain de valeur d’armoise… Après les couches, les femmes prennent le suc donné par l’armoise broyée. Les infusions de feuilles de ngai cuu peuvent guérir certaines maladies de la peau et embellir le teint des femmes. L’armoise est adoptée par notre physiothérapie moderne.
La combustion du moxa, variété d’armoise, se réfère aux principes de l’acupuncture. Certains points cutanés deviennent douloureux aussitôt qu’il y a trouble d’une fonction ou d’un organe rapproché ou non de ce point; aussi agit-on sur l’organe en relation avec lui par l’excitation de ce point. Au lieu de provoquer l’excitation par une aiguille (acupuncture), on le fait en brûlant un bâtonnet de moxa séché sur les points cutanés concernés. On peut guérir les douleurs lombaires avec des compresses de feuilles d’armoise fraîches torréfiées à la température à plus élevée que le patient puisse supporter.
Le bain de vapeur d’armoise à 25-30°C de température s’avère aussi efficace.
(Août 2006)