"L'âge d'or" pour étudier et s'imprégner au mieux d'une langue étrangère oscille entre un et 8 ans. Analyse de Nguyên Ngoc Hùng, ex-directeur adjoint du Département de la coopération internationale (ministère de l'Éducation et de la Formation).
* Pourquoi le plan de l'enseignement de l'anglais a-t-il été lancé de manière si tardive, sachant que bon nombre de parents et d'élèves lui portent une attention particulière depuis son élaboration, effectuée depuis longtemps déjà ?
Le projet sur les études et l'enseignement des langues étrangères pour la période 2008-2020 a été adopté par le Premier ministre Nguyên Tân Dung et promulgué en septembre 2009. Un Comité de pilotage national de ce projet a été mis sur pied. Le projet d'enseignement du français, du japonais, de l'allemand, de l'espagnol, de l'italien a démarré avec l'aide et le soutien des ambassades des pays concernés ou de leurs offices en charge de l'éducation. Celui de l'enseignement de l'anglais, adopté en octobre 2009, n'a reçu aucune aide ni de soutien de la part de parraineurs britanniques. Résultat : il a dû être reporté à janvier 2010. Au moment où le pays s'intègre dans la communauté internationale, notamment dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'anglais va prendre une place de plus en plus prépondérante dans notre pays. D'où la nécessité de déployer sans tarder ce projet dans tout le système éducationnel. L'objectif est qu'à l'horizon 2020, les étudiants fraîchement diplômés des universités, écoles supérieures et instituts universitaires professionnels pourront maîtriser une langue étrangère. Cela leur permettra d'afficher une confiance plus importante en eux-mêmes dans la communication, et ils pourront travailler dans un environnement plurilingue aux caractères culturels diversifiés. De plus, cela permettra de valoriser les relations économiques, commerciales, touristiques, culturelles et éducationnelles.
* À votre avis, est-ce qu'enseigner l'anglais dès la classe de 3e de l'école primaire est le gage de réussite majeur de ce projet ?
Le gouvernement préconise que l'enseignement de l'anglais soit dispensé dès la classe de 3e de l'école primaire, soit à partir de 8 ans. Mais d'après des études réalisées par des experts d'autres pays, "l'âge d'or" pour l'apprentissage d'une langue étrangère est compris entre un et 8 ans. À cet âge-là, les enfants peuvent assimiler simplement et naturellement toutes les connaissances. Et les langues étrangères ne font pas exception. Néanmoins, dans notre pays, aucun résultat de recherches dans ce domaine n'a encore été rendu public. Les parents ne peuvent donc pas réaliser qu'il est de loin préférable que leurs enfants étudient une langue autre que celle parlée dans le foyer maternel à l'âge d'un an, plutôt qu'à partir de 8 ans.
* Le fait que peu de personnes parlent une langue étrangère dans notre pays résulte-t-il de l'absence d'une méthodologie adaptée ou de celle d'un corps enseignant véritablement compétent ?
Je pense que l'enseignement précoce d'une langue étrangère est le plus profitable lorsqu'il est dispensé au fameux "âge d'or" des enfants. Le résultat dépend également de la méthodologie et du niveau professionnel des enseignants. À cet âge, les enfants n'étudient pas la grammaire ou le vocabulaire comme le font les adultes. La méthode d'enseignement est différente afin qu'ils puissent "sentir" et assimiler la langue à leur manière. Ainsi, si l'enseignant n'a plus pratiqué la langue étrangère qu'il connaît depuis 10 ou 20 ans, sa capacité d'écoute, de parler et de prononciation ne peut répondre aux exigences du projet de l'enseignement des langues étrangères dans les écoles primaires. C'est pour cela qu'aujourd'hui, il est impératif de mettre à jour les connaissances de 62.000 enseignants. A noter que tous les enseignants d'anglais dans les écoles primaires doivent être titulaire d'un diplôme universitaire. D'ici 2020, environ 20.000 instituteurs et institutrices dans ce domaine devront être formés, selon les prévisions. Le ministère de l'Éducation et de la Formation préconise de rehausser le niveau de compétences professionnelles des enseignants de langues étrangères par le biais des programmes de formation en ligne. Tous les documents nécessaires seront fournis en ligne, afin qu'ils puissent être transférés n'importe où et à n'importe quel moment, facilitant ainsi le perfectionnement du niveau de langue du corps enseignant.
* Que pensez-vous des programmes d'enseignement actuels au Vietnam ? Sont-ils à revoir ?
Depuis toujours, ce sont les programmes et méthodes traditionnelles qui règnent en maître dans l'enseignement des langues étrangères au Vietnam, avec un nombre conséquent d'exercices grammaticaux à faire, un volume important de vocabulaire à apprendre par coeur. À présent, d'autres méthodes, plus modernes, ont fait leur apparition et fait leurs preuves dans de nombreux pays à travers le monde. Apprendre une langue étrangère implique que l'on puisse l'utiliser dans la vie quotidienne, de manière vivante. C'est cet aspect de langue vivante qu'il faut privilégier. Plusieurs programmes d'enseignement étrangers appliqués au Vietnam sont plus efficaces, non seulement pour les élèves vietnamiens, mais aussi pour ceux étrangers. Raison pour laquelle les programmes actuels doivent être revus et corrigés. Le ministère de l'Éducation et de la Formation envisage de mobiliser des experts sur le sujet venant au soutien des chercheurs, pédologues et linguistes vietnamiens, dans le but d'élaborer des programmes plus adaptés ainsi que de dresser une stratégie de développement de l'enseignement des langues étrangères adéquate.
Lê Hà/CVN