>>France - Vietnam à vélo, un périple de 16.000 km
>>Un couple, deux vélos, une aventure
Robert, Vân et leur fille mènent une vie simple mais heureuse à Perth, capitale de l’Australie-Occidentale. |
En longeant les routes qui se dirigent vers Northcliffe à la fin du printemps, on peut observer des fleurs sauvages, d’immenses forêts vierges, de douces plaines où paissent des troupeaux de moutons, brebis, bœufs et vaches comme des pelotes de laine disséminées sur le vert tendre des prairies. On peut également voir la mer au loin, encadrée par les montagnes karstiques. Des lièvres et des kangourous traversent parfois la route, et les oiseaux vaquent à leurs occupations, tous plus ou moins indifférents à la présence humaine. Ici, il semble que les hommes et la nature vivent en parfaite harmonie.
L’Homme au cœur de la nature
À Northcliff, les animaux sauvages entrent dans les jardins pour y voler quelques légumes, et les enfants, de leur maison, peuvent admirer les kangourous bondir par-dessus les clôtures.
Vân, une Vietnamienne sexagénaire vivant dans le bourg avec son mari Robert et leur fille, est une Saïgonnaise au look bohème. Elle porte de longues jupes fleuries ou des jeans et des bottes de cowboy. Robert, lui, est un homme au visage émacié et à la peau brûlée par le soleil. Il était juge suprême de la Cour de Perth, capitale de l’Australie-Occidentale.
Depuis une vingtaine d’années, il est atteint d’un carcinome du nasopharynx, un cancer des voies aérodigestives. Il a subi bien des opérations chirurgicales, chimiothérapies et radiothérapies. Il s’est fait couper la langue et a un trou dans la partie inférieure de sa gorge, comblé par un bouton en silicone. Il ne peut plus parler mais sa femme comprend toujours exactement ce qu’il veut dire.
Robert avait rencontré Vân à Hô Chi Minh-Ville. Sa chambre d’hôtel donnait sur la cour de la dame qu’il avait vue un jour cuisiner et s’était décidé à la saluer. Le lendemain, Vân l’avait emmené chez sa mère et c’était là-bas qu’il lui avait déclaré d’un air sérieux son amour. "Après cette rencontre d’un jour, il a promis de revenir me voir", se souvient Vân.
À l’époque, Vân, divorcée et mère célibataire d’une jeune fille, avait presque 50 ans. Trois mois plus tard, Robert était de retour au Vietnam. La mère de Vân venait de perdre la vie. Robert avait emmené sa douce en Australie avec un visa touriste pour lui faire découvrir son pays natal et la veille du retour de Vân au Vietnam, les amoureux s’étaient mariés. Seuls cinq amis du couple avaient pu participer aux noces, préparées à la hâte.
L’espoir surmonte les orages
Robert et Vân ont une fille qui s’appelle Tiffany, une fillette espiègle et heureuse. Photo : Soha/CVN |
Photo : Soha/CVN |
Le jour où Vân avait emmené sa fille en Australie pour recommencer une vie prometteuse, Robert avait dû être hospitalisé de nouveau. Le cancer, que l’on pensait s’être stabilisé, s’est aggravé subitement. Avant son hospitalisation, Robert avait décidé d’achever toutes les procédures administratives afin d’assurer la transmission de son patrimoine à Vân. Celle-ci et sa fille étaient restées à l’hôpital pour s’occuper de lui alors qu’elles ne pouvaient parler anglais et ne connaissaient personne.
Robert avait subi trois opérations, dont une ablation de la langue. "Il avait très mal, mais il ne montrait jamais sa douleur", indique l’épouse. Après deux ans d’hospitalisation avec de nombreuses urgences, opérations et radiothérapies, Robert sort de l’hôpital. Depuis, Vân lui fait office d’interprète, de porte-parole. À ses côtés, il se bat pour une vie normale.
Robert et Vân ont une fille qui s’appelle Tiffany, une fillette maligne, espiègle et heureuse. Le couple voulait avoir un bébé, mais avait abandonné l’idée, considérée comme un rêve irréalisable compte tenu de leurs âges respectifs.
Pourtant un jour, Vân a ressenti des signes étranges dans son corps et des vertiges. Elle est allée consulter un médecin qui lui a dit qu’elle était enceinte de cinq mois. Mais à six mois de grossesse, le bébé est né grand prématuré. Tiffany ne pesait que 900 gr, sa peau était si transparente que toutes ses veines étaient visibles. Les médecins sont tout de même parvenus à la garder en vie.
"À l’époque, Robert et moi étions inquiets et démunis devant cette situation. Je ne sais pas comment, mais les mélodies de la comptine +Trông com+ (le tambour riz) ont germé dans ma tête et je les chantais tous les jours à Tiffany quand elle était dans l’incubateur et il me semble qu’elle m’entendait. Elle a souri et mangé davantage au fil des jours", raconte Vân.
Redonner vie à l’environnement
Vân et Robert vivent dans une ferme pleine de fleurs. On peut y sentir l’odeur de la résine des branches fraîchement coupées. Aux alentours, il y a des lacs riches en écrevisses. "En faisant le tour des trois lacs, je peux ramasser entre cinq et sept kilos d’écrevisses. C’est une source d’alimentation importante pour notre famille et notre grande fierté", indique Robert.
Cette ferme fleurie était il y a encore quelques années un terrain brûlé. Selon Vân, lorsqu’ils l’ont achetée, l’Australie-Occidentale venait de subir un incendie de 90 jours. Tout avait flambé. Robert a dû amasser du bois, des briques et des tuiles sur des centaines de kilomètres à la ronde pour bâtir la ferme. Les amoureux ont planté des arbres ornementaux, des arbres fruitiers, des arbustes, des fleurs, des légumes et même de la pelouse. Ils élèvent des chiens pour garder la maison et jouer avec Tiffany, et des poulets pour les œufs et la viande.
"Robert a creusé lui-même un puits et installé un système de collecte d’eau de pluie et des panneaux solaires pour l’électricité. Il a fabriqué des tables et des chaises en bois. Moi, j’ai tricoté des couvertures, des draps, des housses pour le canapé et je l’ai aidé à jardiner. C’était très dur car nous n’étions que deux et que Robert était déjà malade. Malgré sa maladie, il travaille dur. Le travail manuel et tout ce qu’il arrive à réaliser le rendent très joyeux", ajoute Vân.
La famille est en autosuffisance alimentaire : les poulets qu’ils élèvent, les œufs, les écrevisses et les fruits et légumes qu’ils récoltent comblent leurs besoins quotidiens. En plus de cela, Vân prépare des gâteaux, du pain et de la bière.
Après une journée de travail harassante, ils s’installent sur le porche de la maison et boivent leur bière artisanale ou un verre de vin face au soleil couchant. Le week-end, après le petit-déjeuner, Vân s’occupe du jardin et plante des herbes aromatiques et Robert part pêcher les écrevisses. Ensuite, ils se rendent ensemble dans une fromagerie ou dans un domaine viticole local pour prendre un déjeuner copieux. En fin d’après-midi, sur le chemin du retour, ils s’arrêtent pour admirer la mer, la forêt ou les immenses prairies.
Sans Internet ni télévision, le couple vit un pur bonheur dans la ferme et se satisfait du spectacle de la nature. Le matin, les époux se réveillent, travaillent pendant la journée et se reposent enfin le soir. Ils n’ont besoin que d’un peu d’eau fraîche et l’amour fait le reste…