>>La Turquie retourne l'arme des tarifs douaniers contre les États-Unis
>>La Turquie ne parvient pas à enrayer la débâcle de la livre
Le ministre turc des Finances et gendre de Recep Tayyip Erdogan, Berat Albayrak, à Istanbul le 10 août. |
Le puissant ministre turc des Finances Berat Albayrak, qui est aussi le gendre du président Recep Tayyip Erdogan, a assuré que son pays "émergerait encore plus fort" de la crise de la livre, dont la valeur a fondu de 40% par rapport au dollar cette année.
Il a par ailleurs indiqué, lors d'une téléconférence avec plusieurs milliers d'investisseurs, que son pays n'était pas en contact avec le Fonds monétaire international pour un éventuel plan d'aide et qu'Ankara n'aurait pas recours au contrôle des capitaux.
Si ces annonces ont relativement rassuré les marchés et permis à la livre de reprendre des couleurs pour le troisième jour de suite, les vives tensions avec Washington, qui ont été le facteur déclencheur de la débâcle de la devise turque, ne montrent aucun signe d'apaisement.
Ainsi, le secrétaire américain au Tresor, Steven Mnuchin, a averti que les États-Unis prendraient des sanctions supplémentaires contre Ankara si un pasteur retenu en Turquie, Andrew Brunson, n'était pas libéré rapidement.
"Nous prévoyons de faire davantage s'ils ne le libèrent pas rapidement", a-t-il affirmé lors d'une réunion à la Maison Blanche du cabinet du président Donald Trump et de ses principaux ministres.
Le pasteur Brunson, au cœur de la tempête diplomatique entre les deux alliés de l'Otan, a été placé le mois dernier en résidence surveillée après plus d'un an et demi d'incarcération. Il est accusé par Ankara d'espionnage et d'activités "terroristes".
Livre turque convalescente
Les dernières déclarations américaines risquent de mettre davantage de pression sur la livre turque, qui montre depuis mardi 14 août des signes de convalescence, grâce notamment à des mesures d'Ankara limitant la spéculation des banques étrangères.
Malgré le rebond de la livre de ces derniers jours, les économistes restent préoccupés par la dispute entre Ankara et Washington et par la mainmise de M. Erdogan sur l'économie.
Les marchés ont sévèrement sanctionné le refus de la banque centrale de relever ses taux d'intérêt le mois dernier, en dépit de la chute de la monnaie nationale et d'une inflation galopante. M. Erdogan, partisan de la croissance à tout prix, s'y oppose fermement.
Selon un communiqué de ses services, M. Albayrak a promis jeudi aux investisseurs que son gouvernement aurait deux priorités: combattre l'inflation, qui a atteint près de 16% en glissement annuel en juillet, et la discipline budgétaire.
Entretien avec Macron
Dans la tourmente financière, la Turquie a reçu un soutien de poids mercredi 15 août: l'émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a promis au cours d'un entretien avec M. Erdogan à Ankara que son pays y investirait 15 milliards de dollars.
Signe que la crise avec Washington incite par ailleurs la Turquie à renouer avec l'Europe, M. Erdogan s'est entretenu au téléphone mercredi 15 août avec la chancelière allemande Angela Merkel et jeudi 16 août avec son homologue français Emmanuel Macron.
Selon Ankara, MM. Erdogan et Macron ont souligné, au cours de cet échange, "l'importance de renforcer davantage les relations économiques" entre leurs deux pays.
M. Albayrak s'est quant à lui entretenu jeudi avec son homologue allemand, Olaf Scholz, et les deux ministres sont convenus de se rencontrer le 21 septembre à Berlin, selon la Turquie.
Par ailleurs, la justice turque a ordonné mardi 14 août la libération de deux soldats grecs et mercredi 15 août du président d'Amnesty International en Turquie, des décisions inattendues dans deux affaires qui ont contribué à tendre les rapports entre ce pays et les États européens.
"Ces libérations ne sont évidemment pas une coïncidence", remarque une source diplomatique européenne.