La sécheresse menace le riz pilaf et le garde-manger des Ouzbeks

Viande, carottes, oignons, riz et huile. C'est la recette du plov, le fameux riz pilaf ouzbek. Mais des conditions météorologiques extrêmes ont ruiné les récoltes, faisant bondir les prix de ces aliments de base en Ouzbékistan.

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Le chef ouzbek Abdurahim Mirzayev, 59 ans, cuisine du plov, le plat traditionnel du pays, à Tachkent.
Photo : AFP/VNA/CVN

Brandissant une poignée de carottes jaunes, l’agriculteur Moukhtor Gazatov en vante les mérites. "Elles sont plus sucrées que les carottes oranges et donnent un goût particulier au plov", raconte-t-il. Ce plat est au cœur des habitudes alimentaires des 35 millions de ressortissants de ce pays d’Asie centrale.

Mais cette année, une sécheresse exceptionnelle a ravagé les exploitations des agriculteurs comme M. Gazatov et multiplié par quatre le prix des carottes, et donc fait grimper le coût du plov. "Quand il fait aussi chaud, certaines carottes brûlent tout simplement. Les carottes qui survivent sont plus petites", explique le sexagénaire dans sa ferme près de la capitale Tachkent.

Il affirme avoir perdu un tiers de ses revenus annuels en raison de la sécheresse, qui a vu le thermomètre dépasser les 40°C dès début juin, un mois où la température diurne est habituellement inférieure à 35°C. Ce coup de chaud a achevé des cultures qui avaient déjà été fragilisées par un coup de froid printanier, dit Moukhtor Gazatov.

Faire le plov et l’amour

Dans les rues de Tachkent, le plov est partout sur les menus de restaurants. Préparé dans de gigantesques marmites, selon différentes recettes, c’est aussi un incontournable des fêtes.

Le folklore local assure également que le jeudi est à la fois le jour consacré à la préparation du plat et aux ébats amoureux. Le rôle du plov est tel que le gouvernement a créé l’année dernière un "indice du plov" pour mesurer le coût de la vie, à l’instar du Big Mac ou du "panier de la ménagère" dans d’autres pays.

Une femme achète des épices pour préparer le plov, le plat national ouzbek, dans un marché à Termez, à quelque 800 km de Tachkent.
Photo : AFP/VNA/CVN

Or, de janvier à septembre 2021, celui-ci a explosé. Le prix du plov à Tachkent a augmenté de près de 30%, gonflé par ceux de la viande et des carottes.

Outre la météo, les prix ont été affectés par des difficultés d’importations, la Russie ayant par exemple planté trop peu de carottes pour compenser la mauvaise récolte ouzbèke, selon Navrouz Khourramov, expert de la plate-forme d’analyse EastFruit.

L’eau, ressource rare

Par ailleurs, du fait du changement climatique, les épisodes de sécheresse et de chaleur extrêmes sont appelés à se multiplier et à réduire des ressources hydriques déjà faibles. Ce pays d’Asie centrale compte en effet largement pour ses cultures sur les rivières coulant depuis les glaciers du Kirghizstan et du Tadjikistan voisins. Or ceux-ci-reculent. Dans ce contexte, le gouvernement ouzbek cherche à réduire les superficies des cultures les plus gourmandes en eau, comme le coton mais aussi le riz du plov.

La canicule estivale a offert dans toute l’Asie centrale un aperçu d’un avenir où la culture de certaines denrées pourrait devenir impossible ou pas rentable. Au Kazakhstan voisin, la sécheresse a aussi provoqué une hécatombe de bétail et des restrictions d’exportation de viande, nourrissant encore l’inflation en Ouzbékistan.

La seule chose à même de freiner un peu la hausse des prix du plov à Tachkent à court terme est la concurrence que se livrent les restaurants. En espérant de meilleures récoltes l’année prochaine.

Abdourahim Mirzaïev, chef de 59 ans spécialiste du plov, a ainsi décidé de renoncer aux bénéfices cette année, pourvu que son restaurant reste plein. "ll faut préparer le plov avec amour et le cœur pur", affirme-t-il, s’affairant en cuisine.

Il prépare une version du plat qu’on appelle plov "de mariage" ou "de vacances", agrémentée de raisins secs et pois chiches. Mais les carottes sont irremplaçables pour donner au plov sa saveur particulière, précise le chef.

Javokhir Djamoliddinov, directeur adjoint du Comité national des statistiques qui gère "l’indice plov", se veut optimiste. Il note une récente détente du cours de la carotte et salue des mesures gouvernementales de contrôle des prix alimentaires.

Pour lui, le plat national n’est pas menacé. "Nous avons toujours mangé du plov et nous en mangerons toujours".


AFP/VNA/CVN

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