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Auparavant, Hàng Dào était l’une des 36 rues et corporations de Hanoï. |
Photo : CTV/CVN |
Le Vieux quartier a inspiré de nombreux chefs-d’œuvre poétiques de la littérature classique, entre autres ceux de Nguyên Du, la sous-préfète de Thanh Quan, Hô Xuân Huong, Nguyên Huy Luong.
Parmi les artistes contemporains, Bùi Xuân Phái est devenu célèbre, dans tout le Vietnam et même le monde entier, par son style incomparable en peignant les vieilles rues de Hanoï. Le terme "Phô Phái" (Les rues de Phái) est d’ailleurs passé dans le langage populaire.
Sans doute moins connus que Phái, mais aussi passionnés du vieil Hanoï, deux artistes autodidactes, Thê Khang et Pham Huu Ich, se rattachent à l’imagerie populaire faite de réalisme et de naïveté tandis que Phai séduit par son pinceau de virtuose. Les maisons inclinées de Phái créent une atmosphère de lassitude, elles inspirent le regret de quelque chose qui va sombrer dans le passé. Par contre, les panneaux de laque poncé dites au Coromandel de Khang et Ich font revivre les scènes animées de la cité au milieu du siècle dernier.
L’ancienne Hanoï à travers des panneaux
Dans une étroite cuisine aménagée en atelier, M. Khang et M. Ich, deux septuagénaires, me présentent avec enthousiasme l’ancienne Thang Long - Hanoï à travers seize panneaux de 2 m x 0,72 m, chiffre qui sera porté à 23, soit une largeur de 16,56 m. Devant moi s’étalent une quarantaine d’ensembles de rues et de ruelles à partir du lac de l’Épée restituée (sens horizontal) et six autres près du fleuve Rouge (sens vertical). Comme une vue d’avion.
Hanoï dans les années 1940. |
Photo : CTV/CVN |
Voici le Tô Lich, rivière chère au cœur des habitants de l’ancienne cité et dont il ne reste plus que quelques tronçons dans la ville actuelle. La fresque nous évoque son embouchure, le Marché du Pont de l’Est, la rue des Voiles qui hébergeait les Chinois et abritait le Temple du Cheval Blanc patron de Thang Long, la rue de la Soie au commerce florissant. Voilà la Pagode de la Montagne de Jade avec son pont arqué dit "Pont où se pose le soleil à l’aube", le Pont en Bois, le Marché des Radeaux grouillant de monde. Nous pouvons admirer également la Porte Ô Quan Chuong et les enchevêtrements de maisons et de verdure. La campagne pénètre dans la ville, des paillotes voisinent avec des maisons de briques couvertes de tuiles. La pittoresque vie quotidienne se déroule dans les rues, les temples et les pagodes, parmi une myriade de lacs et de mares.
Marchés et fêtes battent leur plein. Nous assistons à un défilé de représentants de toutes les classes sociales, des pauvres gens ployant sous la palanche aux grands mandarins se déplaçant en palanquin, sous des parasols. Les femmes aux cheveux noués en queue de coq portent des tuniques à quatre pans et des sandales à bec recourbé. Les hommes à chignon se pavanent en robe de gaze noir et pantalon blanc.
À la recherche du temps perdu
L’œuvre À la recherche du temps perdu de Thê Khang fut le fruit du hasard. Il est né dans une famille ayant quatre générations de brodeurs originaire du village de Dào Xá, célèbre pour sa tradition de broderie. Ses parents se sont d’abord fixés à Bac Ninh pour pratiquer le métier. Les articles produits pouvaient être vendus à la garnison française de Dâp Câu dans le voisinage. De nouvelles boutiques ont été ouvertes à Hanoï. La guerre a mis un frein à leurs activités.
Le jeune Thê Khang s’est débrouillé tout seul pour étudier le français, l’anglais et le chinois. Après la guerre contre les Français (1954), il a travaillé comme traducteur pour le Service des postes jusqu’à sa retraite en 1981, à soixante ans.
À court d’argent, il a employé ses loisirs à copier les anciennes peintures sur soie chinoises. Ses œuvres se vendaient parce qu’il s’était exercé dès l’âge de seize ans et avait cultivé un sens artistique en dirigeant les travaux de broderie. Peu à peu, il créa son style en dessinant les sites historiques du Vietnam.
Depuis 1992, il se consacre corps et âme à sa fresque sur le "Hanoï du XIXe siècle". Et tout le pécule qu’il a amassé pour construire une maison y est passé. Il s’est attelé à un travail minutieux de documentation historique et a su s’entourer d’érudits et de peintres professionnels. Au bout de plusieurs années d’effort, il a réalisé le dessin détaillé réparti en dix-sept planches. La chance lui a souri quand il a rencontré M. Ich, dessinateur d’armes devenu décorateur pour les musées et le cinéma avant de prendre sa retraite. Celui-ci, passionné de Hanoï, a accepté de réaliser le projet sur du bois selon la technique de la laque au Coromandel.
(Mai 1999)