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La numérisation des films produits à l’époque de la pellicule est nécessaire pour éviter leur détérioration. |
Photo : Archives/CVN |
Cet été, précisément en juin, les enfants vietnamiens ont eu l’occasion de revoir 50 films d’animation projetés sur l’application VTVGo de la Télévision nationale VTV. Celle-ci et l’Association nationale pour la promotion et le développement du cinéma avaient organisé auparavant deux Semaines du film vietnamien sur VTVGo. Les spectateurs ont pu revoir des œuvres célèbres adaptées de la littérature vietnamienne comme Vo chông A Phu (Les époux d’A Phu), Chi Tu Hâu (Madame Tu Hâu), Làng Vu Đai ngày ây (Le village de Vu Đai à cette époque-là), Đung đôt (Ne le brûlez pas !)…
"C’est une surprise de revoir ces œuvres du cinéma révolutionnaire projetées sur une plate-forme numérique comme VTVGo : des longs métrages mais aussi des films d’animation pour les enfants", exprime Nguyên Thi Ngoc, domiciliée dans l’arrondissement de Ba Đình, à Hanoï, une férue du 7e art. Afin d’apporter aux téléspectateurs cette nouvelle expérience, les organismes de projection ont dû se lancer dans la numérisation de films produits il y a un demi-siècle, à l’époque de la pellicule. La conversion numérique des archives cinématographiques n’est jamais un processus facile.
Une longue liste d’attente
L’Institut du film vietnamien (VFI) est la plus grande agence nationale d’archivage des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Près de 80.000 bobines et un grand nombre d’œuvres audiovisuelles, la plupart fixées sur de la pellicule, y sont conservées. Et face à la détérioration de ce patrimoine, la numérisation s’impose.
"Les techniques de fabrication et de projection des productions sur pellicule de format 35 mm, 16 mm ou 8 mm ont tendance à disparaître alors que le Vietnam dispose d’un riche trésor d’œuvres de ce type. Ceci nous oblige à recourir à la conversion numérique", explique Đinh Thi Thuy Chinh, directrice adjointe du Département de conservation du VFI. D’après elle, c’est une "tendance inévitable", déjà menée par nombreux pays depuis des années. Cependant, avec un stock énorme et un budget limité, la numérisation n’est pas facile du fait de son coût très élevé.
"Le VFI réalise la conversion des films sur pellicules de grande valeur culturelle et historique vers les formats numériques 4K. Cependant, la liste des ouvrages en attente est longue, et les ressources financières et humaines ne suffisent pas", informe Mme Thuy Chinh.
Depuis 2015, le VFI est équipé de scanners dotés d’une vitesse de résolution de 2K pour convertir les films sur pellicules et a achevé la numérisation d’environ 4.000 bobines. "Ce nombre est très modeste même si les machines fonctionnent à pleine capacité. Nous devons louer un studio extérieur fournissant des scanners à résolution 4K mais c’est coûteux, donc cette location n’est pas régulière", avoue Lê Tuân Anh, directeur adjoint du Département technique. Ce dernier se soucie du décalage technologique car dans le monde, la conversion des bobines en numérique se fait avec des scanners à vitesse de résolution de 5K-6,5K, voire 10K.
De la pellicule au numérique
Pour sa part, l’Agence centrale des films documentaires et scientifiques (DSF) conserve une archive de grande valeur mondiale. Créée en 1956, elle garde près de 12.000 bobines à l’époque de la pellicule de formats 35 mm et 16 mm dont de nombreux documentaires sur la guerre. Mais bien des œuvres risquent de s’abîmer si les conditions de stockage ne sont pas améliorées. Il y a déjà des ouvrages datés de plus de 60 ans qui risquent de se détériorer totalement, selon les estimations d’un expert belge qui a examiné le trésor de la DSF dans le cadre de sa mission de travail au Vietnam en 2013. Son avertissement pose l’urgence d’une sauvegarde par voie numérique. C’est depuis 2014 que la DSF réalise un projet de mise à niveau et de numérisation des films menacés de dégradation.
Le musée de Hô Chi Minh, à Hanoï, stocke plus de 30.000 documentaires cinématographiques sur la vie et l’œuvre révolutionnaire du grand leader vietnamien. Depuis 2014, il a converti 32.797 films sur pellicule en version numérique. Cependant, selon Nguyên Huong Giang, directrice adjointe du Département de l’inventaire et de la préservation, le musée a besoin d’un logiciel approprié pour mieux classifier, stocker puis valoriser ce patrimoine auprès du public.
Dans un studio de numérisation des œuvres cinématographiques filmées sur pellicule argentique à l’Institut du film vietnamien (VFI). |
Photo : QĐND/CVN |
Au dire d’experts, la conversion numérique nécessite une attention et un investissement synchrones en termes de technologies et de ressources humaines. En particulier, la restauration des versions d’origine doit être bien réalisée avant la numérisation pour assurer la qualité des ouvrages.
Active dans les activités cinématographiques et culturelles au service de la communauté, la réalisatrice Nguyên Hoàng Điêp est la créatrice du projet "Ơ kìa Hà Nội" (Comment ! Hanoï), ce petit cinéma dédié aux films d’art, considéré comme un club de cinéphiles à Hanoï. Selon elle, en plus des efforts des professionnels, la numérisation du patrimoine cinématographique a besoin de la participation des fonds privés. Actuellement, cette réalisatrice met en œuvre de manière assez efficace le projet "Préservation du patrimoine cinématographique du Vietnam à travers la numérisation de certains films sur pellicule", fruit de la collaboration entre le VFI, "Ơ kìa Hà Nội" et le Fonds VINIF de Vingroup.
Côté ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme, le vice-ministre Ta Quang Đông s’est engagé à ce que le ministère coopère avec les membres de l’Association des archives audiovisuelles de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique (SEAPAVAA) pour trouver des solutions au service de la conversation et de la valorisation à l’ère numérique des productions sorties à l’époque de la pellicule.
Linh Thao/CVN