Le rôle des femmes s’est vu de plus en plus consolidé au fur et à mesure des années. Et ce, dans de nombreux domaines : que ce soit dans la vie de tous les jours ou dans l’économie. Des commerçantes de renom telles que Tu Huong, Mai Kiêu Liên et Lê Hông Thuy Tiên ont toutes contribué aussi bien à la construction de l’économie du pays, qu’à l’affirmation de la valeur de la femme vietnamienne.
Pourtant, peu de gens savent que la première femme d’affaires du Vietnam est une femme ayant vécu au XVe siècle. En analysant son passé, nous pouvons donc constater que la bravoure des Vietnamiennes n’a rien à envier à celle de leurs homologues masculins.
Une artisane peint des jarres de céramique aux motifs originaux et uniques dans un atelier de Chu Dâu. |
La céramique de Chu Dâu réputée
pour la couleur de son émail
Chu Dâu est une céramique traditionnelle du Vietnam, fabriquée dans les villages de Chu Dâu et de My Xá, district de Nam Sách, province de Hai Duong (Nord). Ce produit est très célèbre pour ses motifs typiquement vietnamiens, ainsi que la couleur originale de son émail.
Selon des études archéologiques récentes, l’ancêtre de la céramique de Chu Dâu est Mme Bùi Thi Hý (1420-1499), née au hameau de Quang Ánh (Quang Tiên aujourd’hui, commune de Dông Quang, district de Gia Lôc, province de Hai Duong). Elle est la première fille de Bùi Dình Nghia, mandarin, et sa mère est la fille de Bùi Quôc Hung, grand dignitaire ayant participé à la fondation de la dynastie des Lê.
Le registre familial de la lignée des Bùi ainsi que certaines histoires orales racontent que Bùi Thi Hý, intellectuelle au talent d’écriture et de peinture, s’était déguisée en homme pour se présenter à un concours de mandarin (concours permettant uniquement aux hommes de participer). Et après avoir passé les premières épreuves, sa supercherie fut découverte. Mais étant la petite-fille du célèbre général Bùi Quôc Hung, Bùi Thi Hý s’est vue renvoyée chez elle sans avoir à faire face à davantage de condamnations.
Peu de temps après, avec l’aide de son premier mari Dang Sy et de son frère Bui Dình Khoi, elle a fondé un atelier de céramique au nord du hameau de Quang Ánh dont les affaires fleurissantes lui ont permis de se développer commercialement. En effet, selon des études archéologiques des reliques du tombeau de la jeune femme, on pouvait lire sur une des stèles : «Ci-gît l’ancêtre Bùi Thi Hý, pseudonyme Vong Nguyêt, propriétaire de plus de 10 ateliers de céramique». L’archéologue Tang Bá Hoành estime même que la céramiste aurait été la commerçante la plus fortunée de son époque.
Ce plat géant est spécialement conçu par les meilleurs céramistes de Chu Dâu pour célébrer le Milléraire de Hanoi. |
Commerce maritime international
Fondatrice de la céramique Chu Dâu, Bùi Thi Hý et son mari Dang Sy ont également exporté leurs produits à l’étranger par voie maritime. En effet, une jarre «Hoa Lam» en céramique bleue et blanche datant de la 8e année de l’ère Thái Hòa (1450), et sur laquelle une inscription en caractères sino-vietnamien (nôm) indique «Peint par la potière Bùi Thi Hý», est exposée dans le musée de Topkapi Saray, à Istanbul (Turquie). Cette jarre conforte les archéologues dans leurs recherches à prouver que les céramiques sont belles et bien originaires de la province de Hai Duong, au Vietnam, et non pas en Chine. Sachez aussi que plusieurs autres de ces céramiques sont également conservées dans divers musées dans le monde.
Après la mort de son mari lors d’un voyage en mer, il a fallu que la céramiste prenne les rênes de sa propre entreprise. Son commerce extérieur marchait plus que jamais, notamment avec les pays voisins du Vietnam tels que la Chine et le Japon.
Bien que la céramiste se soit remariée, elle n’a jamais eu d’enfants. Mais étant une femme d’affaires accomplie, elle décida de consacrer toutes ses propriétés à des fins philanthropiques telles que la construction de maisons communes, de ponts, de temples et de la pagode de Viên Quang notamment. Tous les accomplissements de Bùi Thi Hý sont inscrits sur une ancienne stèle située dans son village natal.