Je désire réécouter une berceuse

Les berceuses vietnamiennes sont différentes de celles des autres pays parce qu’elles associent des proverbes et des versets folkloriques, qu’elles sont transmises de génération en génération et que l’on ne connaît pas leurs auteurs.

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Nguyên Thi Trà Giang
19 ans
Ville de Hanoï
Prix du Jury

Issus de l’imaginaire du peuple, les poèmes mélodiques fredonnés pour bercer les enfants figurent parmi les œuvres les plus miraculeuses du monde. Le temps passe comme une rivière qui s’écoule et qui ne remonte jamais. Il nous entraîne dans le tourbillon des activités quotidiennes qui risquent souvent de nous faire oublier les valeurs précieuses de la vie.

Décidée à vivre plus lentement au rythme de mon cœur, je réalise brusquement que j’ai mis aux oubliettes les berceuses qui ont nourri mon âme.

Le chant du berceau

Durant toute mon enfance, j’ai été baignée dans des mélodies douces. Ces berceuses que ma mère me chantonnait se sont imprégnées dans mon cœur de façon naturelle.

Comme les autres bébés, j’avais instinctivement besoin d’entendre des paroles mélodieuses capables de me plonger dans le sommeil. Et c’est à ce moment-là que les berceuses commençaient à faire des miracles :

«Mon bébé, dors profondément
Ta mère est occupée par le repiquage de riz
Elle trouvera des silures
Qu’elle fera cuire pour te donner à manger»

Maman berçant son bébé en chantant une berceuse.
Peinture : Lê Duong

Ma mère a insufflé ainsi dans mon âme des mélodies comme le vent frais de la mer qui faisait disparaître les rayons brûlants du soleil, qui effaçait tous les désagréments, et qui m’emmenait vers un ailleurs tellement agréable. Et je crois avoir écouté les berceuses non seulement avec les oreilles, mais aussi avec tout mon corps d’enfant innocente.

La berceuse, pour moi, réunit toutes les images traditionnelles de mon pays : des champs verts, des hérons blancs à l’horizon, de la sueur sur le visage des mères. Mais il y a aussi un amour immense qui remplit les paroles que ma mère murmurait à mes oreilles. Avec ces chansons, elle m’a emmenée dans un univers où l’homme vit en harmonie avec la nature :

«Les hérons volent gracieusement
De la porte du hameau au champ»

Ce sont ces berceuses-là qui ont nourri mon âme, qui m’ont appris à vivre, à chérir les gens, à aimer le riz et qui m’a inspiré un grand sentiment patriotique, un sentiment qui se développe de plus en plus, qui coule dans mon sang, dans ma peau.

«Pour vivre, mon bébé chéri
L’homme doit aimer ses pairs, ses amis»

La saveur exquise de la berceuse

Ma mère m’a appris à aimer mes pairs.
Peinture : Ngoc Thang

En évoquant la berceuse, on pense tout de suite à la saveur douce du lait maternel. Ma mère m’a rappelé que, étant bébé, je bougeais et pleurais beaucoup. Mais à chaque fois qu’elle me donnait le sein en me chantant des berceuses, je me calmais immédiatement et m’endormais. La berceuse et le lait sont des âmes sœurs.

La berceuse est dissoute dans le lait qui coule de la bouche, au larynx, à l’estomac et qui traverse le corps du bébé. Ce liquide est une magie mélangeant la meilleure saveur du monde et des mélodies miraculeuses. Il transporte les enfants vers un bonheur infini. N’est-ce pas un cadeau magnifique que le Créateur nous offre ?

Un amour intarissable

La berceuse vietnamienne est également empreinte de mélancolie et d’amour maternel. Je n’oublierai jamais l’image du héron qui se sacrifie pour nourrir ses enfants :

«Le héron chasse dans la nuit
En se posant sur une branche fragile, il tombe dans l’eau
Monsieur, si vous me ramassez
Vous pouvez faire un potage avec des pousses de bambou
Mais utilisez de l’eau claire
Car l’eau trouble tourmente mes enfants»

Ces six vers tournent autour de l’image du héron, le symbole de la mère vietnamienne qui, dans le passé, devait travailler dur pour nourrir ses enfants. Quand elle tombe dans un malheur, elle pense toujours à ses enfants. La berceuse fait preuve de l’amour maternel intarissable quelle que soit la situation et devient ainsi une leçon de morale pour les enfants.

Un chemin vers les souvenirs d’enfance

Retrouver les sensations agréables dans les berceuses, c’est de nos jours un moyen de retourner à son enfance, d’éviter que la mémoire d’antan ne tombe dans l’oubli. Se trouver dans les bras de sa maman, écouter des mélodies, sentir l’amour maternel, cela nous permet de nous éloigner des difficultés de la vie, de nous baigner dans un univers paisible.

Et je réalise soudain que j’ai passé une enfance tellement heureuse grâce à ces berceuses qui méritent de perdurer dans notre vie. Si j’avais un vœu, je souhaiterais redevenir petite, pour pouvoir réécouter le chant À ơi un midi de juin, pour contempler de nouveau mon pays avec ses champs immenses qui s’étendent jusqu’à l’horizon, pour ressentir le lait blanc, et pour m’endormir dans les bras de ma mère.

Et je rêve, je rêve…

Nguyên Thi Trà Giang/CVN

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