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>>Irak : sept manifestants tués à Baghdad et à Bassora
Le consulat iranien incendié, le 28 novembre 2019 à Najaf, en Irak. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les centaines de manifestants qui ont crié "Iran dehors !" et "Victoire à l'Irak !" au beau milieu du consulat en feu de la très symbolique ville sainte où viennent chaque année des millions de pèlerins notamment iraniens, ont lancé une nouvelle étape dans le premier mouvement social spontané en Irak depuis des décennies.
Quelques heures plus tard, alors que Najaf sous couvre-feu était calme, c'est Nassiriya, qui borde les ruines de la ville antique d'Ur plus au sud, qui s'est enflammée. Là, au moins treize manifestants ont été tués par balles quand les forces de l'ordre ont avancé pour reprendre deux ponts de la ville, un foyer historique de la révolte dans le pays, ont indiqué des sources médicales et de sécurité.
Une centaine de manifestants bloquant ces ponts dans le cadre d'un large mouvement de désobéissance civile ont également été blessés et plusieurs sont dans un état critique, ont précisé ces sources.
Les autorités de la ville d'où sont nés la plupart des mouvements politiques d'Irak et des révoltes contre les occupants successifs ont décrété un couvre-feu. Des renforts des forces de sécurité se déployaient aux abords de la ville, fouillant chaque personne ou véhicule souhaitant y entrer, a constaté un correspondant de l'AFP.
Nouveaux commandants militaires
Des manifestants irakiens devant le consulat iranien en flammes dans la ville sainte chiite de Najaf, dans le sud de l'Irak, le 27 novembre 2019. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Cette vaste opération des forces de l'ordre a été lancée après la nomination d'un nouveau commandant militaire dans la province, comme dans d'autres, les autorités s'en remettant à des militaires pour appuyer les gouverneurs face à un mouvement qui depuis le 1er octobre a fait plus de 360 morts et 15.000 blessés. Ce bilan a été compilé par l'AFP à partir de sources médicales et policières, les autorités ne communiquant plus sur les morts.
À propos de l'incendie du consulat iranien à Najaf, Bagdad a dénoncé des personnes "étrangères aux manifestations légitimes" qui veulent "clairement saper les relations historiques entre les deux pays".
À Téhéran, qui depuis le début voit dans le mouvement en Irak un "complot", le ministère des Affaires étrangères iranien a réclamé "une action décisive, efficace et responsable contre les agents destructeurs et les agresseurs".
Car en deux mois de manifestations, les Irakiens dans les rues crient désormais en plein jour leur colère contre leur grand voisin.
Pour eux, dans l'un des pays les plus riches en pétrole du monde - mais aussi l'un des plus corrompus -, le système politique conçu par les Américains qui ont renversé Saddam Hussein en 2003 est à bout de souffle. Et surtout, il est tombé entre les mains de l'Iran et de son puissant émissaire pour les affaires irakiennes, le général Qassem Soleimani, en charge des opérations extérieures de l'armée idéologique de la République islamique.
Dans la rue depuis le 1er octobre, des dizaines de milliers d'Irakiens réclament la refonte du système politique et le renouvellement total de leur classe dirigeante qu'ils jugent corrompue. Dans un pays où un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, officiellement 410 milliards d'euros ont été détournés ces 16 dernières années soit deux fois le PIB du pays. Pour les manifestants, leurs dirigeants sont également incompétents et affiliés à diverses capitales qui se disputent l'influence en Irak.
Les deux pays qui tenaient la haute main à Bagdad, les États-Unis et l'Iran, sont à couteaux tirés et depuis le début de la révolte, Téhéran a pris l'avantage alors que Washington est aux abonnés absents.
Un manifestant irakien bloque une route dans la ville irakienne de Najaf, le 27 novembre 2019. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Paralysie dans le Sud
Là où le général Soleimani parvient à réunir l'ensemble des partis au pouvoir pour resserrer les rangs autour du Premier ministre Adel Abdel Mahdi un temps sur la sellette, les Etats-Unis ne font que de maigres déclarations officielles et le vice-président américain Mike Pence, qui s'est rendu en Irak cette semaine, a ignoré les autorités de Bagdad pour visiter uniquement ses troupes et le gouvernement autonome du Kurdistan.
Pourtant le pays est paralysé depuis des semaines : dans le Sud, les écoles sont fermées depuis des semaines. Et les administrations qui n'ont pas fermé leurs portes se font placarder des banderoles en travers de leur fronton: "Fermée sur ordre du peuple".
Dans les rues et en travers des autoroutes, les manifestants expriment leur colère dans un épais nuage de fumée noire : ils brûlent des pneus pour tenter de toucher le gouvernement à son talon d'Achille, l'or noir et ses précieux revenus. Mais jusqu'ici, ni la production et la distribution de pétrole, unique ressource en devise du pays et qui représente 90% des recettes d'un gouvernement surendetté, n'ont été touchées.