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Des amateurs d'échecs assistent au match entre le champion du monde Garry Kasparov contre l'ordinateur Deep Blue d'IBM à New York, le 11 mai 1997. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Ce 11 mai 1997, une machine terrasse pour la première fois un champion du monde en titre au terme d'un match réglementaire. Cette date va marquer l'histoire de la discipline et braquer les projecteurs sur le potentiel vertigineux de l'intelligence artificielle.
L'"Ogre de Bakou", 34 ans et alors maître de l'échiquier mondial depuis 1985, s'est incliné au bout de six parties, sur le score final de 3,5 points à 2,5, face au superordinateur Deep Blue conçu par IBM.
Devant des caméras du monde entier, venues filmer le spectacle à New York, ce revers a un goût d'humiliation pour le tempétueux Kasparov. N'avait-il pas assuré qu'il tiendrait tête aux machines au moins jusqu'à l'aube du millénaire suivant ?
Un an plus tôt, le Russe avait mis à terre Deep Blue sur le score de 4 à 2. Mais ses concepteurs n'ont eu de cesse d'améliorer le monstre de 1,4 tonne, capable désormais de calculer 200 millions de positions par seconde.
"Rien prouvé"
Le champion du monde d'échecs Garry Kasparov se concentre lors de l'une des parties de son match contre l'ordinateur Deep Blue d'IBM, le 7 mai 1997 à New York. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Ébranlé par sa défaite, le champion se refuse pour autant à accepter la supériorité de la machine. "L'ordinateur n'a encore rien prouvé", dit-il lors de la conférence de presse suivant le match, rapportée par l'AFP.
"Un homme, le meilleur joueur du monde, a craqué sous la pression", explique-t-il, parlant de lui-même, "mais on peut battre l'ordinateur, il a trop de points faibles".
Loin d'être consolé par les 400.000 dollars promis au perdant, il fustige IBM, qui ne lui a pas donné accès aux parties antérieures jouées par la machine, laquelle a pu de son côté analyser toutes les siennes.
Il se fait même accusateur, suggérant que des humains ont assisté l'ordinateur durant le match et regrettant de n'avoir pas "posé certaines conditions" pour que le jeu soit "honnête".
Les autres joueurs de la crème mondiale des échecs, qui ont scruté l'affrontement en direct, se refusent eux aussi à considérer la défaite du grand maître comme un point de bascule.
Interrogés par la presse, ils pointent une série de mauvais choix du champion russe. Pour certains, son besoin obsessionnel de comprendre les coups de la machine, plutôt que de se concentrer sur la victoire, lui a été fatal.
Des années plus tard, un livre relaiera une confidence d'un développeur de Deep Blue : un dysfonctionnement de l'ordinateur aurait fait basculer la partie. Incapable de choisir entre plusieurs coups, la machine aurait joué au hasard lors d'une partie, déstabilisant Kasparov pour le reste de l'affrontement.
"Avec un peu de recul..."
Le champion du monde d'échecs Garry Kasparov se concentre avant la dernière partie de son match contre l'ordinateur Deep Blue d'IBM à New York, le 11 mai 1997. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Quoi qu'il en soit, la victoire de Deep Blue a fait le bonheur d'IBM, ravi de voir l'intérêt suscité par les prouesses de son ordinateur.
"Tout cela n'a rien à voir avec une lutte de l'Homme contre la machine mais avec comment, nous les humains, pouvons utiliser la technologie pour résoudre des problèmes complexes", s'enthousiasmait après le match le chef du projet d'IBM, Chung-Jen Tan.
Et de vanter ce que l'intelligence artificielle allait apporter dans de nombreux domaines, de l'analyse financière à l'étude de phénomènes naturels, météorologiques ou sismiques.
Kasparov, revanchard, fera en 2003 deux fois match nul contre des ordinateurs. Mais le temps finira par apaiser son ego blessé.
Après la défaite de 1997, "j’étais dévasté", confiera-t-il dans un entretien avec le journal suisse Le Temps en 2019. "Mais avec un peu de recul", sa défaite lui est apparue comme "une victoire pour le genre humain", puisqu'elle laissait présager "la largeur du panel d'activités qui allaient pouvoir être assistées par la technologie".
Désormais, ce qui préoccupe la légende des échecs, ce sont les dérives des géants du numérique sur les libertés individuelles : "Nous avons besoin qu'ils rendent des comptes", exhortait-il dans un entretien accordé en novembre 2021 à l'AFP.