Hanoi

Là-bas dans le Tonkin, une dragonne s’est dressée Au confluent des fleuves, on l’a sentie chasser Allumant dans nos cœurs bien des foyers ardents Que n’éteindront la pluie ni la vie ni le vent

Son père Ly Thai Tô l’avait vu toute enfant

Elle-même fruit d’un dragon, elle-même fille d’un lion

Lancer des marionnettes, se baigner dans l’étang

L’aurore à peine levée, cueillir des illusions

Depuis l’eau a coulé, et les bêtes ont mangé

Et des têtes sont tombées et les fêtes ont changé

Et les Têts sont passés et les Viêt ont chanté

Et toi Hanoi t’es là, et toi Hanoi tu bois

Tu bois pour oublier et puis tu bois pour vivre

Tu bois pour ne plus boire, et pour écrire un livre

Moi je vois dans Tây Hô, dans ton grand œil humide

Des reflets d’amertume et de regrets timides

Fière et heureuse pourtant, toujours prête à sourire

Là ils sont des millions et tu les vas nourrir

Là pour quelques piécettes on t’ouvre un fruit bien mûr

Ici un bloc de nouilles changé en or si pur

Ta chemise de couleur laisse deviner ton corps

Tes jardins sont anciens mais ils nous plaisent encore

Quant à tes labyrinthes eh bien ce sont tes rues

Et c’est seul de tes tours qu’on peut tomber des nues

Tu as perdu ton non lors d’une balade champêtre

Tu as autant de temples qu’il n’y avait de lettres

Il faut savoir se perdre dans tes exhalaisons

Dans le gout de l’essence, et dans tes floraisons

Si certains croient qu’orgueil, en silence elle méprise

Et qu’elle craint l’amour ; c’est une grande méprise

Ou qu’elle attend l’argent ; ils n’y comprennent rien

Bienveillante irradiée, ni prude ni catin

Polie, humble et discrète, sage et attentionnée

Elle laisse son aura chaudement rayonner

Elle veille sur l’Oncle Hô, les vieux, les vénérables,

Tous ces corps fatigués qui gisent dans le sable

Si ces maints prétendants furent jetés un à un

C’est à cause de son cœur, qui doit en aimer plein

Car malgré son grand âge, elle est pour tous une Em (*)

Indépendante et libre, qui chérit et qui aime

Aux quatre coins du globe, lorsque la nuit est claire

Ses morceaux de tendresse dans le silence éclairent

Et en pensant à elle, des milliers d’yeux se voilent

De grains d’éternité et de poussières d’étoiles

Maxime Chaury/CVN

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(*) Pronom personnel vietnamien pour désigner, entre autres, une jeune femme.

 

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