>>Guerre commerciale sino-américaine: impacts et solutions pour le Vietnam
>>Tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine et défis pour le commerce du Vietnam
Les États-Unis ont lancé le 6 juillet une guerre commerciale contre la Chine, avec l’entrée en vigueur de droits de douane prohibitifs sur des dizaines de milliards de dollars de produits chinois, malgré les mises en garde alarmistes et la nervosité des marchés.
Au Vietnam, sous les effets de la guerre commerciale sino-américaine, la croissance des exportations devrait baisser de 0,3 point en 2019. |
Photo: Hoàng Ngà/VNA/CVN |
La Chine a immédiatement déclaré qu’elle serait "contrainte à une nécessaire riposte" après la décision du président Donald Trump d’imposer des taxes à hauteur de 25% sur 34 milliards de dollars d’importations qui frappent désormais 818 produits, dont des voitures, des composants d’avion ou des disques durs d’ordinateur. Le ministère chinois du Commerce a accusé l’administration Trump d’avoir lancé "la plus grande guerre commerciale de l’histoire économique à ce jour" et promis de défendre ses droits auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Au total, ce sont 50 milliards de dollars d’importations chinoises annuelles qui seront affectées par les mesures américaines destinées à compenser ce que l’administration Trump considère comme un “vol” de propriété intellectuelle et de technologies.
Un bras de fer de nature à susciter le trouble, notamment sur les marchés financiers, dans un climat conjoncturel déjà marqué par plusieurs facteurs d’incertitudes, tant sur l’évolution des taux d’intérêt que des prix du pétrole, estime Olivier Blanchard, ancien chef économiste du Fonds monétaire international (FMI) et chercheur au Peterson Institute de Washington. Un avis partagé par l’économiste français Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis, une banque de financement, de gestion et de services financiers. "À ce stade, l’effet des mesures douanières annoncées ces dernières semaines devrait rester minimal", juge l’économiste, qui évoque un impact de 0,15 point de PIB pour les États-Unis et de 0,06 point de PIB pour l’ensemble du monde. "Mais si les États-Unis continuent à mettre en place des taxes douanières sur des produits représentant des montants plus importants, cela pourra entraîner des pertes d’activités considérables”, avec à la clé “des conséquences sur l’emploi", prévient-t-il.
Répercussions à la fois positives et négatives
Quels seront alors les impacts de la plus grande guerre commerciale de l’histoire économique sur les exportations vietnamiennes? Selon le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Vietnam (VCCI), Vu Tiên Lôc, à court terme, les exportations nationales n’en seront pas affectées car les produits taxés par les deux côtés ne font pas partie des articles d’exportation phares du Vietnam. Cependant, à long terme, ces tensions commerciales pourraient avoir des répercussions à la fois positives et négatives sur les exportations vietnamiennes. D’une part, cette confrontation créera de nouvelles opportunités d’exportation pour les entreprises vietnamiennes qui vendent des produits identiques à ceux venant de Chine et taxés par les États-Unis. D’autre part, elle risque d’aggraver le déficit commercial entre le Vietnam et la Chine dans le contexte où Pékin devra trouver de nouveaux débouchés pour ses produits.
L’origine des produits à base d’acier devrait notamment être validée par un certificat, gage de qualité et assurance d’un produit fabriqué au Vietnam à 100%. |
Photo: Hoàng Hùng/VNA/CVN |
Selon les estimations du Dr Trân Toàn Thang, économiste du ministère du Plan et de l’Investissement, l’économie du Vietnam subira des influences à la fois positives et négatives de cette guerre commerciale. Côté positif, le pays aura l’occasion d’élargir ses parts de marché aux États-Unis, suite à la limitation des importations chinoises. Un autre effet positif, ce sera la délocalisation des investisseurs implantés en Chine vers le Vietnam, d’où une hausse de l’investissement direct étranger. Cependant, les opportunités ne sont pas importantes, car les produits exportés par la Chine vers les États-Unis ne sont pas pour l’essentiel des produits phares du Vietnam.
Les effets négatifs, quant à eux, seront en revanche très importants. En premier lieu, la croissance économique au niveau mondial va baisser, conduisant à une baisse des besoins en produits vietnamiens. Selon Trân Toàn Thang, les influences négatives vont s’aggraver sur la période 2021-2023. La baisse commencera dès 2019. Au Vietnam, la croissance des exportations va connaître un repli de 0,3 point en 2019 et les importations de matières premières pour la production, indice de la santé des entreprises, va baisser de 0,6 point.
En ce qui concerne les produits à base d’acier, le Vietnam ne s’inquiète pas des taxes douanières décidées par Donald Trump. Hoà Phát, Hoa Sen, Nam Kim…, les figures de proue de l’industrie nationale de l’acier, exportent peu vers les États-Unis. Les influences sont donc réelles, mais limitées. En fait, le marché américain ne représente pas une grande part des exportations des entreprises sidérurgiques vietnamiennes. Les principaux débouchés de l’acier du Vietnam sont les pays de l’ASEAN. En 2017, il en a exporté 2,4 millions de tonnes vers l’ASEAN, soit près de 60% de ses exportations, contre 470.000 tonnes vers le marché américain, soit 11%.
Aux dires d’experts, si le Vietnam améliore la gestion de sa fabrication d’acier, tout en assurant la maîtrise de la chaîne de production de bout en bout, ses entreprises auront l’occasion d’élargir leurs exportations vers des marchés plus difficilement accessibles comme les États-Unis, l’Europe et l’Australie. L’origine des produits devrait notamment être validée par un certificat, gage de qualité et assurance d’un produit fait au Vietnam à 100%. Tout récemment, le ministère vietnamien de l’Industrie et du Commerce a travaillé avec des entreprises d’acier sur les procédures exigées par le département du Commerce des États-Unis (USDOC) afin d’obtenir une exemption de droits en prouvant que leurs produits ne sont pas fabriqués à partir de matériaux chinois. L’USDOC a déclaré que les importateurs et exportateurs de marchandises vietnamiennes produites à partir de substrats originaires du Vietnam ou d’un pays tiers pourraient demander une exemption de dépôts en espèces en certifiant que le substrat provient de l’extérieur de la Chine.