>>À An Giang, les palmiers se sucrent
>>L’homme qui peint sur les feuilles de borasse
L’artisan Vo Van Tang en plein travail. |
Les palmiers de Palmyre (Borassus flabellifer) sont étroitement liés à la vie quotidienne des habitants de la province d’An Giang, dans le delta du Mékong, en particulier ceux d’ethnie Khmer. Cet arbre tropical de la famille des Arécacées est cultivé en grand nombre dans les districts frontaliers de Tri Tôn et Tinh Biên, et notamment sur le pittoresque mont Sam de la ville de Châu Dôc.
Parmi les nombreuses différentes utilisations de cet arbre, peu de personnes s’imaginaient que ses feuilles allaient un jour servir de support à des dessins ou à de la pyrogravure. Mais, Vo Van Tang y a pensé. “J’aime beaucoup la peinture, mais je n’ai jamais eu l’occasion de suivre des cours. Malgré le temps, cette passion me poursuivait toujours. J’étais en constante recherche de nouvelles matières pour peindre. Et par hasard, un jour j’ai découvert la feuille du palmier de Palmyre” a raconté l’artisan Vo Van Tang.
Au 48 de la rue Hùng Vương, dans le chef-lieu de Nui Sâp, district de Thoai Son, son atelier emploie une dizaine de jeunes locaux qu’il paye en moyenne 5 millions de dôngs par mois (environ 220 dollars). Bien qu’elle travaille en permanence, son équipe de 15 ouvriers ne peut pas satisfaire la demande de la clientèle amatrice de pyrogravures sur feuilles de palmiers de Palmyre.
L'apprentissage de l'utilisation des pyrograveurs peut durer des mois. |
Pour avoir un tableau de qualité, on doit attendre la saison sèche et une journée ensoleillée pour cueillir les jeunes feuilles de palmiers adultes qui ont plus de 20 ans. Ces feuilles sont séchées au soleil pendant environ deux semaines. Puis, on les trempe dans de l’alun. Ensuite, on les sèche encore une fois et on les coupe en morceaux carrés ou rectangulaires, qui sont collés sur un support. Enfin, on dessine l’image sur les feuilles, avec le pyrograveur (sorte de fer à souder). Il est indispensable de ne pas porter ce dernier à une température trop élevée, sous peine de brûler la feuille. Il existe plusieurs types de pyrograveur (de 30W, 80W et 100W) pour faciliter le travail des dessinateurs.
"Les grands pyrograveurs et la chaleur des électrodes posent toujours des difficultés aux jeunes dessinateurs. Certains doivent attendre très longtemps avant de maîtriser leur utilisation. Un grand tableau nécessite parfois des mois de travail. Quand l’œuvre est achevée, elle est recouverte d’un vernis pour la protéger des moisissures", a indiqué Nguyên Truong Khoa, un dessinateur de 35 ans dont 10 ans de travail dans cet atelier.
Le dessinateur Nguyên Truong Khoa avec une de ses œuvres. |
"Les couleurs uniques brun et noir des pyrogravures sur feuilles de palmier sont une des particularités de cet art inédit. Avec les pyrograveurs, les dessinateurs forment des traits minces ou sombres pour animer le tableau", a commenté Nguyên Tuân Vu, un client. "Je préfère les images de la campagne car elles font partie de ma vie", a-t-il ajouté.
Deux records du Vietnam
Bien qu’il soit passionné de peinture, la carrière profes-sionnelle de Vo Van Tang n’a aucun lien avec les arts. Il a en effet fait des études dans le domaine de la banque. Ensuite, il est devenu fonctionnaire puis directeur de la Banque de l’agriculture et du développement rural du district de Thoai Son. C’est à la retraite, qu’il a pu consacrer tout son temps à sa passion.
Au cours de ses 20 ans de métier, Vo Van Tang a formé une centaine de jeunes artistes pour son atelier. Les sujets dans les tableaux de Vo Van Tang sont très divers: des portraits de l’Oncle Hô et de l’Oncle Tôn aux images du mont Câm du district de Tinh Biên ou de la forêt de cajeputiers de Trà Su.
Ses pyrogravures sont très appréciées par la clientèle vietnamienne mais aussi étrangère. À tel point que les autorités de la province d’An Giang choisissent ces tableaux pour les offrir à des partenaires lors de missions à l’étranger. Pour les Vietnamiens résidant à l’étranger (Viêt kiêu), les paysages champêtres ou les portraits de membres de la famille sont les sujets préférés. Les lettres calligraphiées, les chevaux, les tigres… font aussi partie des thèmes les plus commandés. Outre leur valeur artistique, leurs caractéristiques uniques et esthétiques, ces tableaux représentent également des produits issus des palmiers de Palmyre – une particularité de la “région des sept montagnes” - province natale du feu président Tôn Duc Thang.
En 2010, le Centre du livre des Records du Vietnam a validé deux records nationaux de Vo Van Tang: premier producteur de pyrogravures sur feuilles de palmier et plus grande pyrogravure sur feuilles de palmier pour son œuvre Le testament de l’Oncle Hô.