Coronavirus
France : vers un déconfinement prudent, dans la hantise d'une deuxième vague

Relâcher progressivement l'étau pour relancer l'économie : le Premier ministre français a présenté mardi 28 avril un plan de déconfinement partiel à partir du 11 mai, par étapes, sur mesure selon les territoires et sous conditions, dans la hantise d'un deuxième assaut du coronavirus.

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Déconfinement progressif à partir du 11 mai.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Nous allons devoir vivre avec le virus" a prévenu en préambule Edouard Philippe à l'Assemblée nationale, devant un hémicycle silencieux et clairsemé, distanciation sociale oblige. Mais il a écarté tout retour immédiat au monde d'avant, après six semaines de restrictions sévères. "Protéger les Français sans immobiliser la France", a résumé le chef du gouvernement en annonçant la fin des attestations : "il sera à nouveau possible de circuler librement" jusqu'à 100 km du domicile et de se rassembler, en public et en privé mais à moins de dix personnes.

Il faut bien déconfiner pour éviter "le risque d'écroulement" de l'économie et de l'emploi, mais "progressivement, prudemment" et "si les conditions sont réunies" et que le nombre de cas et d'hospitalisations continue de baisser. Et "si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai" ou alors "plus strictement", a-t-il prévenu. La situation sanitaire sera étudiée localement, département par département, différenciés en "vert" ou "rouge".

Mais pour tous : ni bar ni restaurant, ni cinéma, pas de festival ni de grande manifestation sportive au-delà de 5.000 personnes, et surtout pas de weekend à la plage et, de préférence, pas de mariage, a-t-il averti, brisant net les espoirs de liberté retrouvée.

Première phase

Dans le meilleur des cas, le chef du gouvernement prévoit une première phase courant du 11 mai à début juin, suivie d'une deuxième "jusqu'à l'été", assorties de nombreuses exceptions. Pour ce premier train de mesures, les parents pourront, s'ils le souhaitent, renvoyer les bébés en crèches (par groupes de dix maximum) et les enfants en maternelle et à l'école primaire dès le 11 mai.

Le Premier ministre prononce son discours devant une Assemblée nationale restreinte pour respecter les distances de sécurité, le 28 mai.
Photo : AFP/VNA/CVN

Mais ce n'est qu'à partir du 18 mai, dans les départements peu infectés, que la réouverture des collèges sera envisagée, en commençant par les 6e et 5e. La suite ne pourra être considérée que fin mai notamment pour les lycées. En revanche tous les marchés alimentaires et les commerces pourront rouvrir leurs portes, à l'exception des cafés, bars et restaurants dont le sort sera revu fin mai pour éventuelle réouverture le 2 juin. Quant aux grands événements populaires, ils restent suspendus au moins jusqu'en septembre. Ce qui annule de fait de multiples manifestations comme la Foire aux Vins de Colmar. Le sort du Festival de Cannes reste quant à lui flou.

Pour le monde du travail, Edouard Philippe a "demandé avec insistance" aux entreprises de maintenir le télétravail autant que possible et de veiller à équiper les salariés en masques dans le cas contraire. Masques qui seront rendus obligatoires dans les transports publics et jugés désormais "préférables" dans de nombreux cas, après avoir déconseillés depuis mars. Les personnes âgées sont appelées à la prudence, en limitant contacts et sorties.

L'adaptation locale du déconfinement, a précisé Edouard Philippe, fera l'objet d'une "travail de concertation et d'adaptation du plan aux réalités de terrain" avec les responsables et élus locaux, mercredi 29 avril et jeudi 30 avril. L'enjeu est de taille : relancer l'économie sans déclencher une deuxième flambée de l'épidémie, même si le nombre de patients en réanimation continue de décroître. Lundi soir 27 avril, le virus avait fait 23.293 morts en France (+437 en 24 heures). Or, clairement les autorités redoutent un "relâchement que nous sentons monter dans le pays", a martelé le Premier ministre.

Vote spécifique

Le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire de deux mois, jusqu'au 24 juillet, sera par ailleurs présenté samedi 25 avril en Conseil des ministres et examiné la semaine prochaine au Parlement. Cette loi permet de prendre par décret des mesures - et des sanctions - organisant le confinement, de restreindre la circulation et de limiter les rassemblements... Après le discours du Premier ministre, le plan devait être débattu pendant 2 heures 30 par les 75 députés physiquement présents, puis soumis au vote.

Le groupe scolaire Jules-Ferry à Chatou, à l'ouest de Paris, le 27 avril.
Photo : AFP/VNA/CVN

Dans un premier mouvement, l'opposition a jugé le plan "hasardeux" (Jean-Luc Mélenchon pour LFI) ou "difficilement applicable" (Damien Abad, LR). En revanche le Premier ministre a reporté le débat sur le projet sensible du traçage des données mobiles StopCovid et annoncé un "vote spécifique" sur le sujet. Les questions de libertés publiques "me paraissent fondées. Elles doivent être posées. Elles doivent être débattues", a-t-il souligné, ce dont s'est réjoui EELV.

Approuver ou non ce plan de déconfinement sera "probablement l'une des décisions les plus lourdes qu'un parlementaire aura eues à prendre depuis la Seconde guerre mondiale", selon le dirigeant PS, Olivier Faure. La majorité présidentielle risque d'être seule à voter pour : les oppositions de droite comme de gauche ont dénoncé un vote sous pression, alors qu'elles découvraient les mesures en même temps que le reste des Français.

Grâce à sa confortable majorité, le vote ne devrait cependant être pour le gouvernement qu'une formalité. Par avance, LR, LFI et le PS avaient notamment critiqué le retour des élèves à l'école sur la base du volontariat et s'interrogeaient sur la logistique accompagnant ce semi-retour à la normale. Répondant aux éditoriaux faisant état de dissensions au sommet de l'État entre Matignon et l'Élysée, Emmanuel Macron a fustigé mardi 28 avril ceux qui "tentent de diviser" le binôme : "L'ensemble de l'exécutif est pleinement aligné dans cette crise" a-t-il assuré lors du Conseil des ministres, selon des sources concordantes.

Rassurée, la Bourse de Paris a fini en hausse (+1,43%). Cependant, le climat de défiance persiste chez les Français, dont une majorité ne fait pas confiance à l'exécutif pour piloter le déconfinement. L'indice de confiance des ménages a en outre subi en avril une chute historique, selon l'Insee.


AFP/VNA/CVN

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