>>Les marionnettes sur l'eau du Vietnam impressionnent le public
>>Des marionnettes sur l’eau transcendées
Les marionnettes de Dào Thuc racontent la vie des villages d’antan. |
Dans l’ambiance joyeuse du printemps, de la musique et des chants passionnés s’élèvent de la maison commune. De nombreux villageois de Dào Thuc sont regroupés autour de marionnettes sur l’eau pour admirer le monde coloré et féerique d’un des types artistiques les plus populaires du Vietnam, avec l’espoir d’une nouvelle année de joie et de bonheur.
Niché dans une campagne tranquille de la banlieue de Hanoï, le village de Dào Thuc, commune de Thuy Lâm, district de Dông Anh, est depuis longtemps renommé dans l’art traditionnel des marionnettes sur l’eau.
Le monde de ces figurines de Dào Thuc est très varié, avec une centaine de personnages joués dans des dizaines de numéros, dont des chanteurs du culte des Déesses-Mères, des paysans, le jeune clown Têu, de jeunes pâtres, des mandarins… Des personnages représentant toutes les couches sociales d’autrefois, et dont la vie quotidienne a été imaginée par les artisans locaux.
Un monde coloré et féérique
Les marionnettes de Dào Thuc sont différentes de celles utilisées dans d’autres troupes du Vietnam. "Plus rudimentaires, elles n’ont pas la belle apparence de celles des autres troupes. Autrefois, elles étaient élaborées par des paysans, et nous voulons préserver leurs caractéristiques", souligne Nguyên Van Phi, qui est dans le village l’unique artisan spécialisé dans la confection de marionnettes, les autres étant engagés dans les spectacles.
Pour le succès des représentations, la qualité des marionnettes est importante. Celles de Dào Thuc sont toutes en figuier, un bois léger et qui flotte bien. Comme l’explique M. Phi, "sung", le nom vietnamien de ce bois, signifie également "prospérité". La fabrication d’une marionnette prend en général de sept à dix jours. Dans la première étape, l’artisan découpe les contours du personnage. Après, chaque détail est taillée. Enfin, la marionnette est séchée puis peinte. Il s’agit là de l’étape la plus longue parce que l’artisan doit appliquer au moins trois couches de peinture.
La démarche la plus difficile dans la fabrication, c’est la restitution des traits distinctifs sur le visage. "Lorsque j’ai commencé à fabriquer des marionnettes, j’ai rencontré bien des difficultés pour exprimer l’âme des personnages. Parfois, j’étais déçu et j’avais l’intention d’abandonner ce métier. Mais, comme tous les villageois de Dào Thuc, l’amour pour l’artisanat était tel que j’ai persévéré. Aujourd’hui, je peux faire des marionnettes qui ressemblent à 70-80% à celles réalisées autrefois", confie Nguyên Van Phi.
Efforts pour transmettre l’art
Nguyên Van Phi, l’unique artisan de Dào Thuc spécialisé dans la confection des marionnettes. |
L’art des marionnettes de Dào Thuc remonte à il y a près de 400 ans, plus exactement à l’époque de la dynastie des Lê postérieurs. Dào Thuc (autrefois village de Dào Xa, district de Yên Phong, province de Bac Ninh) est le village natal du général Dào Dang Khiêm. Passionné par les marionnettes sur l’eau, ce dernier déploya tous ses efforts pour transmettre cet art. Après sa mort, pour commémorer ses contributions, les villageois demandèrent à la cour de le promouvoir au grade des génies et d’ériger une stèle à son honneur, ce qui fut fait en 1735 sous le règne de Lê Ý Tông.
Chaque année, lors de l’anniversaire de sa mort, au 24e jour du 2e mois lunaire, les villageois organisent une cérémonie cultuelle. "À travers le temps, l’art des marionnettes sur l’eau de notre village a traversé bien des vicissitudes. Depuis 1984, des représentations de la troupe locale sont organisées régulièrement, accueillant beaucoup de spectateurs, vietnamiens et étrangers", informe M. Phi.
De nos jours, de nouveaux numéros sont composés, mais généralement ce sont les anciens qui ont le plus la cote. Ils sont un peu considérés comme "la racine, la tradition à préserver". Grâce aux mains habiles des artisans, les marionnettes inanimées racontent la vie des villages d’antan.
Mais malgré l’applaudissement des spectateurs, les artistes sont confrontés à bien des difficultés. À part des "salaires" de misère, ils doivent s’entraîner régulièrement pour avoir une bonne santé, notamment lors des spectacles hivernaux. "Rester longtemps debout les pieds dans l’eau exige à la fois une bonne résistance et de la passion", affirme Nguyên Thi Thuân, une artiste de la troupe locale.
Texte et photos : Vân Anh/CVN