En Syrie, un tube musical né des coupures d'électricité

Le tube de l'été qui cartonne en Syrie parle d'amour et de rupture. Mais plus que les paroles, la popularité de Ya Weel Weely (Oh malheur, mon malheur !) vient de son clip qui se joue avec humour des coupures d'électricité chroniques du pays.

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Le groupe syrien Safar, dont le clip de sa chanson "Ya Weel Weely" a obtenu plus de 5 millions de vues sur YouTube, le 13 août à Damas.
Photo : AFP/VNA/CVN

Depuis son lancement fin juillet, la ballade du groupe syrien "Safar", co-fondé par le chanteur Shadi Safadi, a obtenu plus de cinq millions de vues sur YouTube. Quand le groupe, composé de six membres, s'est penché sur la réalisation du clip à petit budget, le principal défi était de composer avec les coupures d'électricité quotidiennes.

"Chaque fois que je rendais visite à l'un d'eux (les musiciens), l'électricité était invariablement coupée", se souvient le réalisateur du clip, Yazan Shorbatji. "Pourquoi alors ne pas filmer la chanson, et mettre en lumière la situation du secteur électrique ?", interroge-t-il, expliquant avoir finalement intégré la problématique en s'armant de lampes torches et de batteries rechargeables.

Dans un pays où la guerre, déclenchée en 2011, a dévasté l'économie et ravagé les infrastructures, le quotidien des Syriens est marqué par des pénuries en tout genre et parfois près de 20 heures par jour sans électricité dans les foyers de la capitale Damas. "Certains jours, nous avions à peine une heure de courant, alors que nous tournions parfois jusqu'à dix heures par jour", raconte Shadi Safadi.

La vidéo d'environ cinq minutes commence dans le noir. Une main allume un briquet. Puis le faisceau blafard d'une lampe de poche fend l'obscurité de la pièce, éclairant faiblement un poisson rouge dans son bocal, avant de se poser tour à tour sur les musiciens, tout de noir vêtus. On aperçoit deux mains sur un synthé, puis des doigts qui grattent les cordes d'une cithare. Enfin, le chanteur entame d'une voix gutturale sa ballade mélancolique. "Ne dis pas que mon cœur est dur et fait de pierre", lance Shadi.

Alimentation électrique erratique

Dans une autre scène, le groupe est comme en adoration devant une lampe au filament frémissant. Les instruments et le pied du micro ont été décorés de plusieurs guirlandes lumineuses colorées.

"Cette vidéo a été réalisée avec toute sorte d'ampoules LED et de lampes sur batteries. True Story!!! ("Véridique, ndlr")", lit-on à la fin du clip. "Les gens ont aimé les paroles et la musique, mais le public a aussi été touché par le clip", explique Wafi al-Abbas, un des membres de Safar.

Dans tout le pays, "pas moins de 90% des Syriens n'ont pas accès à une alimentation électrique stable et continue", selon une récente estimation citée par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Le conflit, qui a fait près d'un demi-million de morts selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, une ONG basée à Londres, a aussi aggravé la pauvreté.

Et les pénuries de carburant ont fait exploser les prix, l'approvisionnement étant aussi compliqué par les sanctions économiques occidentales. Si le groupe existe depuis près de deux décennies, Ya Weel Weely est leur premier grand succès qui les a fait connaître du grand public.


AFP/VNA/CVN

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