Don d’organes, une vie après la mort

La famille du Docteur Dang Hoàng Giang, domiciliée à Hanoï, est la première au Vietnam à consentir à faire un don d’organes post mortem. Un geste fort, d’autant plus dans un pays où cette pratique est encore taboue pour des raisons spirituelles.

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La famille du Docteur Dang Hoàng Giang au Centre national de coordination pour la transplantation d’organes humains.

Fin décembre 2017. Mai An, 11 ans, remplit un formulaire, studieusement. Reins, ok. Pancréas, ok. Foie, ok. Cœur… Un instant d’hésitation. Puis, pensant que son cœur continuera à battre dans une autre personne, elle esquisse un sourire et coche la case. Mai An est assise dans une petite salle du Centre national de coordination pour la transplantation d’organes humains à l’hôpital Vietnam - Allemagne de Hanoï.

Remplir un formulaire dans cette salle nécessite une confrontation avec l’inévitabilité de la mort, ce qui décourage la plupart des gens. Ici, il est tout à fait normal qu’un sentiment d’insécurité et de peur vous envahisse.

Cette anecdote, partagée sur le compte Facebook du Dr. Dang Hoàng Giang, directeur adjoint du Centre d’étude sur le développement et le soutien communautaire (CECODES), rappelle le moment où sa famille - sa femme et ses deux filles de 11 et 17 ans - l’a rejoint pour s’engager à faire don de leurs organes et de leurs tissus en cas de décès.

La famille du Dr. Giang est la première au Vietnam à faire cette démarche. Et Mai An et sa grande sœur Mai Chi sont parmi les premiers adolescents du pays à détenir des cartes d’enregistrement pour le don d’organes et de tissus.

"Tous les membres de ma famille ont été contents d’obtenir la carte d’enregistrement des dons d’organes", a partagé le Docteur.

Après un "voyage près de la mort"

Cet enregistrement a également marqué la fin d’un Voyage près de la mort qui a inspiré le Dr. Giang et sa famille à prendre cette décision.

Voyage près de la mort est une série d’histoires que le Dr. Giang a écrites pour le journal Tuôi Tre (Jeunesse) au sujet de ses rencontres avec des personnes meurtries par la perte de leurs proches, ou face à la mort due à une grave maladie.

Au cours de ce voyage, il a appris que des milliers de personnes au Vietnam mouraient chaque année dans des accidents de la route ou du travail. Certaines d’entre elles auraient pu être sauvées, si elles avaient pu recevoir un cœur, un rein, un foie ou d’autres organes. Mais l’offre limitée les a toutes condamnées ou presque à une disparition prématurée...

Au cours de ses "voyages", M. Giang a rencontré une jeune fille. Âgée de 20 ans et originaire de la province de Thanh Hoa (Centre), son histoire l’a bouleversé.

Mai An remplit un formulaire de don d’organes.
Photo : CTV/CVN

Dans les derniers jours de sa vie, cette jeune fille atteinte d’un cancer est parvenue à persuader sa famille de la laisser donner sa cornée après sa mort. Il faut savoir qu’au Vietnam, ce sujet est quelque peu tabou dans la mesure où la culture populaire veut qu’il faille inhumer un corps avec ses organes intacts, pour des raisons spirituelles. C’est en partageant ces histoires inspirantes jour après jour avec sa famille qu’il lui a fait connaître la notion de don d’organes et son importance.

De plus, les observations et les recherches menées par M. Giang lui ont montré qu’aucune religion n’interdisait le don d’organes. Il s’est exclamé : "Si cette croyance est éliminée dans la société, la vie de dizaines, voire de centaines de personnes sera sauvée chaque année. Cela marquerait un progrès social majeur !".

À ce propos, il appelle les gens à montrer une forte détermination et confiance pour passer du temps à persuader leur famille. "S’il vous plaît, consacrez du temps et des efforts pour persuader les gens autour de nous de changer d’avis !
L’inscription ne prend que 30 minutes. C’est un acte volontaire facile qui ne coûte rien, comparé à ce que nous dépensons pour les vêtements, la nourriture et les voyages...
", a-t-il ajouté.

Nguyên Hoàng Phuc, directeur adjoint du Centre national de coordination pour la transplantation d’organes, a été touché par la bonne action de la famille du Dr. Dang Hoàng Giang. "C’est une décision spéciale parce que la famille comprend profondément le sens de l’enregistrement au don d’organes. Les parents ont enseigné à leurs enfants les notions de partage et de soin envers leur prochain, a déclaré M. Phuc. Mai An n’est pas la première donatrice de moins de 18 ans, mais elle est la plus jeune à s’inscrire au don d’organes avec sa famille".

L’offre loin de la demande

Selon M. Phuc, la demande d’organes est très élevée au Vietnam. Environ 6.000 personnes ont besoin d’une greffe de rein. Quelque 3.000 non-voyants atteints de maladies liées à la cornée ont besoin d’un remplacement de cette partie du globe oculaire.

Jusqu’à la fin de l’année dernière, 11.663 personnes s’étaient inscrites pour donner leurs organes après la mort ou dans un état de mort cérébrale - à comparer au zéro donneur en 2013. Cependant, cela reste trop peu, compte tenu de la population de plus de 90 millions d’habitants.

"Carte d’enregistrement en main, les donateurs sont les plus heureux du monde! Dès lors, ils savent que leurs organes prolongeront la vie d’un ou de plusieurs individus, qu’il s’agisse de connaissances ou de parfaits inconnus. Leur mort ne sera jamais vaine", a affirmé M. Phuc.

Selon lui, chaque année, environ 10.000 personnes meurent des suites d’un accident de la circulation. Si 1% de ces personnes s’inscrivaient pour donner leurs organes, des milliers de vies seraient sauvées. Une personne en état de mort cérébrale peut, en donnant tous ses organes, sauver la vie de huit personnes. Et cela n’a pas de prix.

Huong Linh/CVN

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