Dior : quand la broderie raconte la haute couture

Des tenues épurées agrémentées de broderies : Dior célèbre cet artisanat dans la collection haute couture présentée lundi 24 janvier à Paris dans un décor multicolore, lui aussi brodé par des jeunes femmes indiennes.

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Défilé Dior haute couture à Paris, le 24 janvier.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Je suis obsédée par la broderie, c'est très personnel, je suis italienne, une partie de ma famille vit dans le sud, j'ai tout le temps vu les femmes broder, ma grand-mère, mes tantes, ma mère... J'ai toujours été fascinée, c'est tout un langage à travers lequel les femmes s'expriment", confie Maria Grazia Chiuri, directrice artistique des collections femme.

Un body géométrique gris porté sur un collant noir avec des chaussettes grises et chaussures noires, le tout moulant et brodé : cette obsession s'impose dès le premier look du défilé, comme si on avait brodé le corps lui-même.

Le savoir-faire est séculaire mais l'approche est innovante : on n'ornemente pas les robes en les brodant, elles sont conçues entièrement par la broderie, pratiquement sans coutures.

Après la dernière collection prêt-à-porter très colorée, celle-ci se décline en grande partie dans des nuances de blanc et de gris. Les broderies d'une extrême sophistication sont aussi monochromes, avec beaucoup de ton sur ton.

La silhouette s'allonge et se simplifie, s'éloignant de la ligne cintrée de Dior vers plus d'épure.

Dans le même esprit, les coiffures sont lisses, chignons bun ou carré, le maquillage nude avec un trait de liner blanc sous la paupière inférieure.

Les vestes sans doublures sont traitées en "double face", une technique consistant à ouvrir le premier tissu et à insérer l'autre dedans, faisant aussi écho à celle de la broderie.

380 brodeuses à Bombay

La palette sobre des robes contraste avec l'exubérance du décor multicolore et saturé au musée Rodin, où se déroule le défilé qui met en lumière et fait dialoguer les artisanats français et indien.

De nombreuses pièces de la collection sont également brodées dans l'école Chanakya.
Photo : VNA/CVN

Le décor reproduit en broderies des œuvres du couple d'artistes indiens Madhvi Parekh et Manu Parekh, en mettant en valeur la dichotomie masculin/féminin, l'art contemporain abstrait pour lui, naïf pour elle.

C'est la troisième fois que le décor pour les défilés haute couture de Dior est produit par l'école Chanakya à Bombay (Inde), où les étudiantes apprennent environ 700 gestes nécessaires pour devenir maître artisan, chose rare dans un pays où ce métier se transmet de père en fils.

Ces collaborations s'inscrivent dans la démarche féministe de Maria Grazia Chiuri. Elle envisageait au départ de faire venir les brodeuses à Paris pour le défilé, un projet empêché par le contexte sanitaire.

"C'est un honneur pour elles d'avoir cette visibilité internationale", déclare Karishma Swali, fondatrice et directrice de l'établissement.

Au terme d'une formation de 18 mois, elles mettent ainsi en œuvre ce qu'elles ont appris. "C'est une opportunité incroyable dont elles ne pouvaient même pas rêver", ajoute-t-elle.

L'installation au musée Rodin, qui sera ouverte ou public dans la semaine suivant le défilé, a été réalisée par 380 brodeuses pendant 3 mois.

Une façon de plus pour Maria Grazia Chiuri de prouver que l'artisanat est un art et la haute couture un projet culturel international. De nombreuses pièces de la collection sont également brodées dans l'école Chanakya.

"Il est très important de parler de l'artisanat, c'est crucial pour la haute couture. Nous devons montrer le lien entre le travail artistique et artisanal, ce dernier étant considéré comme moins important dans certains pays" comme l'Italie ou l'Inde, souligne-t-elle.

Pour Maria Grazia Chiuri, cette réflexion devient vitale depuis la pandémie. "Personne ne sait encore combien d'entreprises ne survivront pas à la crise et combien on perdra de capacités créatives. Ce ne sont pas des ouvriers facilement remplaçables. Il est prioritaire pour Dior de les soutenir", conclut-elle.

AFP/VNA/CVN

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