>>Thang Long et Xu Ðoài, une harmonie dans la diversité
>>Une capitale à cheval entre passé, présent et futur
Couverture d’un recueil de poèmes de Tan Dà. |
Photo : CTV/CVN |
Tan Dà (1888-1939) est le pseudonyme de Nguyên Khac Hiêu pour marquer son attachement à sa province natale (Tan = abréviation du nom du mont Tan Viên, Dà = celle du fleuve Dà).
Sans faire figure de maître d’école, il est considéré comme le trait d’union entre l’ancienne et la nouvelle poésie. Ses vers émaillés de hardiesses métriques reflètent une âme épicurienne et laisse qui cherche à s’évader de la vie moderne et, amie des vents et des nuages, des monts et des eaux, à retrouver le paradis perdu des rêves et des fées, des plaisirs et des amours. Sa vie durant, il a vécu dans la pauvreté, ne recherchant ni l’argent ni les honneurs :
Pour chanter l’amour, il sait exploiter le filon de la poésie savante des Tang.
De par les allées, les feuilles de pêcher
La source accompagne les amants au bord de la séparation
(…) Du vieux serment d’amour, voilà tout ce qui reste !
Pierre s’use et mousse pâlit
L’eau coule sans retour et la corolle dérive au fil du courant
La grue lentement prend son essor, puis à tire d’aile file au firmament.
Ciel et terre à jamais seront deux et distants.
Ou faire vibrer les accents de la chanson populaire :
Dans la nuit d’automne, le vent secoue les feuilles d’aréquier
Le mari est au loin, qui, dis-moi, qui donc languit ainsi ?
(…) Dans la nuit d’automne, le vent soulève les rideaux roses
O vent, dis-moi, le mari est au loin, pourquoi te glisses-tu ici ?
Comme Li Po, Tan Dà est amoureux du vin.
Le ciel et la terre m’ont donné la vie
Vin et poésie !
Sans poésie et sans vin
À quoi rime la vie ?
Poèmes ensorcelants de Quang Dung
Des soldats Tây Tiên (Marche vers l’Ouest). |
Photo : Archives/CVN |
Si Tan Dà annonce le mouvement de la Poésie nouvelle (Tho Moi) 1932-1945, son compatriote Quang Dung (1921-1988) se classe parmi les continuateurs de cette poésie, combattants de la Révolution de 1945 et de la guerre de résistance contre les colonialistes français (1946-1954), partagés entre l’idéal du sacrifice et le besoin de rêve et d’amour. Typique à cet égard est son poème Tây Tiên (Marche vers l’Ouest).
Cette œuvre dépeint de jeunes volontaires citadins animés par un courage farouche et réchauffés par de tendres souvenirs qui, sans médicaments, mal habillés et affamés, courent vers la mort dans le Nord-Ouest hostile, montagneux et impaludé. Au souffle épique de la Charge de la Brigade légère (Tennyson) se mêlent dans cette œuvre des notes de tendre regret :
Les gars sans cheveux de la Brigade "Marche vers l’Ouest"
Uniforme "vert forêt", sont autant de tigres farouches
Décochant des regards incendiaires, à travers la frontière
Ils renvoient au pays leurs doux mirages,
Rêvant, nuit après nuit de Hanoï avec ses suaves demoiselles
Ils sèment leurs tombes bien loin de la terre natale
Sur le champ de bataille point ne regrette, ses jeunes années
Si les jeunes soldats savent par cœur ce poème de Quang Dung, plus d’une fille est hantée par ses vers d’amour, mélodieux, empreints de charme nostalgique et de fantaisie.
Dans "Les yeux de la jeune fille de Son Tây", Quang Dung évoque sa rencontre avec une évacuée originaire de la province :
Ton front reflète le ciel du terroir
Tes yeux sont limpides comme le puits du village
Comme je me rappelle les nuages blancs du Pays Ouest
(…) Ces yeux de Son Tây
Assombris par les soirs de vagabondage
Et le regret infini des rizières et des jardins
Le poète se demande si elle le reconnaîtra lors d’une rencontre après la guerre.
Que Quang Dung dorme en paix. Les filles de Son Tây et d’ailleurs se souviennent de lui à travers ses poèmes ensorcelants.
(Janvier 1998)