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Un scène dans le court métrage «The living need light, the dead need music». |
Photo : The Propeller-Group/CVN |
C’est une véritable consécration pour Tuan Andrew Nguyen, Phunam et Matt Lucero. Le prestigieux Musée d’art contemporain de Chicago aux États-Unis a invité The Propeller Group (TPG) le 4 juin dernier à venir présenter leurs œuvres. L’exposition consiste en plusieurs montages vidéos sur le Vietnam, filmé dans toute sa diversité : des artistes de rue jusqu’aux bonzes, sans oublier les vendeurs d’objets anciens... Un portrait inédit du pays, mêlant à la fois une esthétique moderne, tout en préservant le trait et les couleurs purement locaux. Une exposition des plus inédites qui reflète la présence toujours plus croissante du Vietnam sur la scène mondiale de l’art contemporain.
«Le fait que de tels artistes, aussi connus dans le domaine, habitent dans un pays comme le Vietnam est plutôt insolite», partage Naomi Beckwith, leur agent. «Mais en fait, à travers leurs œuvres, ils sont en train d’utiliser l’art comme un moyen pour créer des conversations très complexes et subtiles sur l’art et la communication globalisés dans un pays qui traverse à l’heure actuelle de grands changements».
Un groupe attaché au Vietnam
Phunam, Tuan Andrew Nguyen et Matt Lucero (de gauche à droit). |
Photo : artasiapacifique/CVN |
Qui se cache donc derrière TPG ? Le collectif se compose de trois artistes, deux Vietnamiens et un Américain. Tous ont grandi aux États-Unis, mais ils ont tissé des liens étroits avec le Vietnam.
Tuan Andrew Nguyen et Phunam sont nés au Vietnam dans les années 1970 et ils ont quitté le pays pour aller aux États-Unis et en Europe. Quelques dizaines d’années après, ils sont rentrés au pays et formé un petit groupe avec l’Américain Matt Lucero, le troisième membre. Ce dernier est né en Californie, et il a été un des camarades de classe de Tuan Andrew quand tous deux ont étudié l’art sur les bancs du California Institute of the Arts dans la banlieue de Los Angeles. Pour la petite histoire, le père de Matt est un vétéran de la guerre du Vietnam.
Leurs aventures artistiques ont commencé quand ils ont travaillé d’abord comme cadreurs dans le domaine de la publicité à Hô Chi Minh-Ville. Avec un tel titre, il leur était plus facile de demander les autorisations pour filmer dans la ville, les services compétents se montrant plus souples pour ce genre de requête. Un petit «privilège» qui a favorisé leurs activités artistiques en marge des publicités, et ce en toute discrétion.
Mais TPG voit officiellement le jour en 2006. Rapidement, il figure dans le cercle des artistes les plus en vue au Vietnam, aux côtés de Tiffany Chung, connue pour ses broderies réalisées à partir de cartes endommagées par les guerres et les catastrophes naturelles, ou encore Dinh Q. Lê (Lê Quang Dinh), célèbre pour ses tableaux créés en assemblant de nombreuses petites photos.
Des œuvres qui secouent l’art contemporain
Les deux projectiles de deux fusils M16 et AK-47 tirés dans un bloc de gel transparent. Cette |
Leur rayonnement ne s’arrête pas qu’au niveau national. Le nom du groupe se retrouve sur toutes les lèvres, et se font bien remarquer sur la scène contemporaine internationale.
Leur court métrage «The living need light, the dead need music» (Les vivants ont besoin de la lumière, les morts ont besoin de la musique), est une de leurs plus remarquables œuvres. Il a été diffusé en marge de l’exposition artistique internationale Prospect.3 à Nouvelle-Orléans en 2014, qui décrit une cérémonie funèbre vietnamienne filmé au bord de mer. Les auteurs satirisent les obsèques, qui deviennent aujourd’hui selon eux plus une «fête déguisée», avec des groupes de cuivre ou des personnes engagées pour crier et pleurer.
Les trois comparses incitent les spectateurs à réaliser une analogie avec la Nouvelle-Orléans, une ville où le jazz est omniprésent dans la vie quotidienne, même lors des funérailles. «Personne ne peut affirmer l’exclusivité dans le développement culturel car les traditions se développent librement et elles empiètent l’une sur l’autre», a affirmé Naomi Beckwith, leur agent.
Ou pour l’exposition récente à Chicago, le TPG retrace d’un point de vue artistique la guerre du Vietnam. Et ce d’une manière des plus impressionnantes. Par exemple, les artistes ont tiré deux coups de feu dans un gel transparent en utilisant deux fusils utilisés pendant la guerre, un M16 américain et un AK-47 russe. Leurs projectiles ont laissé des traces dans le gel, ces derniers ressemblant à la queue d’une comète. Une beauté romanesque, mais si mortelle.
À travers ses projets, le TPG transmet un message que l’art réside dans l’art, qu’il habite dans la vie, et qu’il n’est pas ce qui est tout à fait arrangé. Et surtout, qu’on peut le trouver dans tous les moments de la vie.
Huy Hoàng/CVN