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Dans le «salon de coiffure» de l’Institut national d’hématologie et de transfusion sanguine à Hanoï. |
Un jeudi après-midi à l’Institut national d’hématologie et de transfusion sanguine, à Hanoï. Une atmosphère plutôt inquiétante règne dans les couloirs. Tout disparaît en entrant dans le Département de chimiothérapie. Là, des patients se font couper les cheveux, tandis que d’autres attendent leur tour. Une scène que l’on ne s’attend pas à trouver dans un hôpital.
Chaque jeudi, c’est le même cérémonial. Le service de coiffure débute à 16h30. Dès 16h00, les premiers patients arrivent. La coupe est gratuite. Point particulier : ce ne sont pas des coiffeurs professionnels qui officient mais les médecins et infirmiers eux-mêmes.
Les patients sont de tous âges : de l’enfant au vieillard. L’inquiétude et la lassitude qui se lisent souvent sur le visage de ces patients souffrant d’une leucémie laissent place ici à une certaine sérénité. L’attention et la gentillesse des coiffeurs les aident à évacuer un peu de stress. Le plus choquant, ce sont les nombreux enfants qui fréquentent ces couloirs. Eux aussi viennent se faire couper les cheveux. Ils ne comprennent pas vraiment pourquoi. Leurs parents essaient tant bien que mal de faire bonne figure, ne sachant pas comment répondre à leurs interrogations.
Nguyên Van Ninh, originaire de la province de Thai Binh (Nord), est traité à l’Institut depuis quelques mois. Le traitement a rendu le jeune homme très maigre. Sa peau est diaphane, son regard un peu désemparé. «Sa maladie a été découverte l’année dernière. Au début, nous espérions une guérison rapide, mais récemment, son état a empiré et ses cheveux tombent continuellement», raconte son père.
Nguyên Thanh Mai, 7 ans, de la ville portuaire de Hai Phong (Nord), chante dans les couloirs. Sa mère sourit, même si elle a du mal à dissimuler ses larmes. «Ma fille a le cancer depuis un an. Elle avait de longs cheveux noirs, mais ils sont presque tous tombés maintenant».
Soutien psychologique
Des patients attendent leur tour. |
Les médecins et infirmiers occupant ce rôle de coiffeur sont passionnés par ce qu’ils font. Ils sont heureux de nouer une autre relation avec leurs patients, mais tristes quand il s’agit de couper les longues chevelures des jeunes filles ou de raser les crânes des enfants.
Ce salon de coiffure spécial a vu le jour en 2011. Une initiative du docteur Vu Quang Hung, chef adjoint du Département de chimiothérapie. Le matériel a été payé par l’Institut lui-même. Les médecins et infirmiers sont tous volontaires. Certains ont suivi une petite formation.
Depuis six ans, des milliers de patients se sont fait couper les cheveux dans ces couloirs. Le docteur Hung a confié que lorsqu’il était étudiant, lui et ses amis étaient tellement désargentés qu’ils ne pouvaient se payer un salon de coiffure. Alors, ils se coupaient eux-mêmes les cheveux, face à leur miroir. Une expérience qu’ils mettent désormais à profit.
«Ce salon a plusieurs buts. D’abord, il permet aux patients d’économiser un peu d’argent. Ensuite, il assure une coupe propre, hygiénique. Enfin, et c’est le plus important, il permet de nouer des liens particuliers entre médecins et patients», explique-t-il. «La peau d’une personne atteinte du cancer s’infecte facilement. Et en cas de saignement, le sang a du mal à coaguler. Une coupe dans nos locaux est un gage de sécurité», précise-t-il.
L’infirmier Dang Quang Tuân a raconté qu’avant de s’improviser coiffeur, il n’avait jamais coupé les cheveux de quiconque. Et il était même sceptique sur ses capacités en la matière. «La première fois, j’étais plutôt nerveux et peu sûr de moi. J’avais tellement peur de blesser mon patient que la coupe m’a pris une bonne demi-heure», se rappelle-t-il. Maintenant, Tuân est un «pro» du ciseau, à tel point qu’il propose différents types de coupes. «Je coupe les cheveux de mes patients avec la même attention que j’aurais avec des membres de ma famille», confie-t-il.
Selon le docteur Hung, les cancéreux ont une sensibilité à fleur de peau. Leur couper les cheveux avant qu’ils ne tombent permet non seulement d’assurer l’hygiène mais encore de réduire l’angoisse qui les étreint lorsqu’ils doivent rester des semaines voire des mois au sein du Département de chimiothérapie. «Voir de jeunes gens regarder avec tristesse leurs cheveux tomber au sol nous tire parfois les larmes des yeux», avoue-t-il.
«Même les choses les plus simples ont une grande importance, surtout en contexte hospitalier», conclut le docteur Hung.
Texte et photos : Huong Linh/CVN