Remade/France
De l'ivresse à la gueule de bois pour la start-up recyclant les smartphones

Avec pour étendard le recyclage de smartphones, le groupe Remade a recruté à tour de bras en Normandie pour atteindre 680 personnes en 2019. Cinq ans après sa création, il est menacé de disparition, et soupçonné de faux bilan.

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Reconditionnement de smartphone, de Remade à Poilley dans le Manche
Photo : AFP/VNA/CVN

"Pour masquer l'effondrement du groupe", Remade a "gonflé artificiellement son chiffre d'affaires" avec des "manœuvres comptables", affirme le cabinet Syndex dans un rapport confidentiel de 90 pages, pour le CSE, daté de novembre, révélé par le média normand Le Poulpe. De son côté, à la suite d'un "signalement d’un administrateur judiciaire", le parquet de Coutances a ouvert le 30 septembre une enquête préliminaire pour faux bilan et fausses factures au sein de cette société. Il a depuis reçu une plainte d'un groupe d'investisseurs en capitaux dans Remade.

L'enjeu est lourd. Jeudi 28 novembre le tribunal de commerce de Rouen a placé la principale société du groupe, Remade SAS, en liquidation judiciaire avec prolongation de l'activité, pour "donner une dernière chance à une reprise", a indiqué l'avocat du CSE Thomas Hollande, la liquidation permettant aux salaires d'être payés. Selon le CSE, deux offres restaient en lice jeudi soir 28 novembre : l'une de Takara, basée à Nice, qui reprendrait au moins 32 salariés, et l'autre d'un partenaire commercial indien de Remade qui reprendrait 96 salariés mais dont le contenu précis demeure inconnu. Une nouvelle audience est prévue le 17 décembre.

Le groupe Remade affichait jeudi matin 28 novembre 500 salariés dont 330 de Remade SAS, son usine de reconditionnement de smartphones à Poilley, près du Mont-Saint-Michel. En septembre ils étaient 680 salariés dont 450 à Poilley. Toutes les filiales sont en difficulté. L'ancien président et fondateur du groupe Matthieu Millet avait déposé une offre reprenant 143 salariés mais elle a été écartée jeudi 28 novembre selon Me Hollande. Matthieu Millet a été à plusieurs reprises interdit de gérer des entreprises.

"Personne n’est à ce stade nommément visé" par l'enquête ouverte à Coutances, précise toutefois le parquet. Remade dispose de 25.000 à 33.000 IPhones reconditionnés selon la direction mais avec un besoin de refinancement très lourd (90 millions fin août selon Syndex).

"vision erronée de la réalité"

Le temps n'est pourtant pas si loin où Remade nourrissait bien des espoirs en annonçant des vagues de recrutement. Selon Syndex "les effectifs ont plus que doublé entre 2016 et 2018, de 163 à 370 salariés" chez Remade SAS.

Un des ateliers de reconditionnement de smartphone, de Remade à Poilley dans le Manche

"Remade c'est ma bouée qui m'a sorti de la précarité. On y était super bien", a expliqué jeudi 28 novembre, 38 ans, une salariée qui élève seule deux enfants. Mais, selon le cabinet, le chiffre d'affaires affiché derrière ces embauches n'est qu'illusion. Syndex relève ainsi par exemple un "schéma de facturation" avec le grossiste en téléphonie mobile Sofydis "qui ne correspond à aucune transaction réelle". Cette "manipulation comptable" permet de "surévaluer de 40%" le chiffre d'affaires 2018 de 69 millions d'euros. Ainsi la toute jeune entreprise a, estime Syndex, pu "produire un discours séducteur pour les financeurs en recherche de pépites technologiques" : durant la période 2014-2019 Remade a levé 200 millions d'euros.

"L'aggravation des difficultés n’a pas freiné (...), des dépenses apparaissant totalement dispendieuses", accuse Syndex, avec "pour plusieurs membres du comité de direction, un cumul de dépenses et salaires sans commune mesure avec la taille du Groupe et absolument pas supportable par le modèle économique". La success story de la "pépite" se révèle aux yeux de Syndex une "course effrénée à la taille non pas pour en faire un groupe florissant, mais bien pour maximiser rapidement sa valorisation en affichant des croissances fortes de chiffre d’affaires".

Dans un communiqué daté du 14 novembre et diffusé sur sa page facebook Matthieu Millet dénonce les "conclusions" d'un rapport qui "donnent une vision erronée de la réalité" et annonce une plainte pour diffamation. "Je sais tout prouver", "j'ai envoyé les preuves irréfutables aux organes de la procédure", a poursuivi lundi ce quadragénaire, dans un long texte sur facebook.


AFP/VNA/CVN

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