>>Sur les routes du recyclage du plastique agricole
>>L'UE veut mieux recycler ses plastiques
Des matelas usagés stockés en attendant d'être recyclés, à l'usine Orrion Chemicals Orgaform à Semoy, le 8 octobre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Des balles de mousse orangées de 450 kilos sont entassées dans un coin. Elles attendent de passer dans une déchiqueteuse de la taille d'une petite maison. Les petits bouts de mousse obtenus seront ensuite plongés dans un bain de polyol, direction un réacteur.
"Il y a une réaction de dépolymérisation à plus de 200°C qui va donner un liquide, le polyol Renuva, que l'on va refroidir et filtrer pour le débarrasser des impuretés, comme le tissu ou le latex, et avoir un produit directement utilisable pour fabriquer des nouvelles mousses", explique le président d'OCO, Christian Siest.
"Le recyclage chimique permet un recyclage à l'infini. Le recyclage mécanique permet seulement d'augmenter la durée de vie, car on est obligé de jeter à la fin", insiste-t-il.
Résultat de l'opération : un liquide brun visqueux, qui prendra la direction de Crancey (Aube). Ce polyol y sera alors transformé à nouveau en mousse par Icoa-France, filiale du goupe britannique Vita.
Cette mousse aura exactement les mêmes performances que l'ancienne, assure le chimiste Dow, qui a mis au point le processus industriel.
Le géant de la chimie, qui assure aussi la commercialisation du produit final, le Renuva, entend se positionner sur un marché en croissance. A partir du 1er janvier 2022, la loi Agec (Anti-gaspillage pour une économie circulaire) imposera en effet aux industriels, transporteurs et distributeurs de reprendre les matelas usagés.
"La filière est en expansion", rappelle le président de Dow France Jean-Michel Duplouis. "Avec 30 millions de matelas qui arrivent en fin de vie par an en Europe, le gisement est vaste".
Et d'autres secteurs "sont curieux", comme l'automobile et le bâtiment, explique Marie Buy, responsable du développement durable pour la division polyuréthane de Dow.
"C'est tout nouveau, c'est unique, mais nous avons des ambitions pour développer un portefeuille de produits. D'autres polyols Renuva pourront être utilisés dans des applications rigides, comme les panneaux d'isolation ou dans d'autres mousses flexibles dans l'automobile ou les chaussures", détaille la dirigeante.
Ce développement sera sans doute nécessaire pour conquérir les marchés, car aujourd'hui, le polyol recyclé reste plus cher que le "conventionnel".
"Potentiel assez important"
"Le Renuva est plus complexe à produire. Il y a une collecte, un désassemblage des matelas. Il faudra obtenir une taille d'échelle ensuite", explique-t-elle. "Le Renuva est plus cher car la chaîne de production est de plus petite taille. Mais il permet de mettre sur le marché un matelas avec du polyol recyclé".
"Il n'y a pas de raison que le prix final soit significativement différent du prix d'un matelas conventionnel", assure-t-elle cependant. La mousse ne compose en effet que 20 à 30% d'un matelas.
Un salariés d'Orrion Chemicals Orgaform déplace les matelas usagés, avant leur recyclage, à Semoy, le 8 octobre. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
En attendant, c'est toute la filière du recyclage de l'ameublement et de la literie qui se structure sous la houlette d'Eco-Mobilier.
L'éco-organisme, chargé par l'État de gérer la collecte, le tri, le recyclage et la valorisation énergétique, dispose aujourd'hui de 5.000 points de collecte (déchetterie, magasins, etc.).
"Aujourd'hui, le recyclage de la literie en France, c'est 30.000 tonnes de matelas mousse", déclare Dominique Mignon, directrice d'Eco-mobilier, qui rappelle que quatre millions de matelas sont mis au rebut chaque année.
L'innovation portée par OCO et Dow offre, selon elle, "un potentiel de recyclage (...) assez important" pour toutes les mousses de l’ameublement.
Preuve que la filière se développe, Bpifrance vient d'entrer au capital du leader du démantèlement de la literie, Recyc-Matelas Europe. Un financement qui va permettre à l'opérateur, qui revendique 50% du marché français, "un renforcement de son maillage sur le territoire national".
À Semoy, OCO, par ailleurs leader mondial dans la fabrication de la colle à agrafes et clous, a prévu d'atteindre sa pleine capacité dès 2022 avec le recyclage de 200.000 matelas par an, soit 1.200 tonnes de mousse.
Un pas supplémentaire, selon Dominique Mignon, pour se rapprocher de l'objectif de la filière : "zéro déchet pour la literie en France".
AFP/VNA/CVN