Il y a près d’un siècle, la ligne Phan Rang-Dà Lat était l’un des rares voies ferrées à crémaillère dans le monde. Le parcours, de 84 km, avait été conçu par des ingénieurs français. Les travaux, lancés dans les années 1900, ont duré... 30 ans. Il faut dire que le défi technologique était de taille : 64 ponts, deux cols de plus de 1.000 m d'altitude à franchir, cinq longs tunnels à creuser. On comptait 14 km de portions à crémaillère dans les plus fortes déclivités. Les roues dentées étaient fixées au pied des pentes. Quatorze gares jalonnaient le tracé. Le chemin de fer Dà Lat-Phan Rang n'a fonctionné qu'une trentaine d'années, de 1932 jusqu'à la fin des années 1960.
Sept kilomètres de voies ont été restaurés à Dà Lat. |
La vie animée des gares d’antant
Trân Van Bay, 81 ans, et sa femme Hà Thi Nhuân, 78 ans, vivaient près de la gare d’Eo Gion et étaient employés des Chemins de fer de l’Indochine. Lui en tant qu’aiguilleur et elle, d’agent d’entretien des voies. Ils gardent encore beaucoup de souvenirs de cette époque. Mme Hà Thi Nhuân était l’un des plus fidèles passagers, car elle comme son mari bénéficiaient d’une carte gratuite sur toutes les lignes ferroviaires. «Si le train revient ici, ce sera la joie!», se réjouit-elle. Elle se souvient que du temps du train à crémaillère, le hameau d’Eo Gio, qui marque la limite administrative entre Lâm Dông et Ninh Thuân, était toujours un lieu animé. «C’était des trains à quatre voitures, avec beaucoup de passagers et de marchandises telles que poissons crus, riz, maïs de la plaine de Phan Rang, bois, fruits et légumes de Dà Lat», raconte-t-elle.
Vieille loco à vapeur à la gare de Dà Lat. |
Toujours selon Mme Hà Thi Nhuân, avant 1945, il y avait quatre aller-retour par jour, puis six un peu plus tard. Sur chaque train, il y avait trois classes. Les première et seconde, équipées de lits et sièges mous, étaient réservées aux Français et aux riches Vietnamiens. La troisième classe, avec deux simples bancs, au «pékin» moyen. Concernant le prix du billet, Mme Hà Thi Nhuân ne s’en souvient plus très bien, elle se rappelle juste qu’il «équivalait à environ cinq kilos de riz l’aller simple» et que «les paniers de produits agricoles n’étaient pas taxés».
Plus de quarante ans après l’arrêt de cette voie, il ne reste plus que des ruines de ponts et de gares, des rails mangés par les broussailles, des tunnels servant d’abris à des nuées de chauves-souris...
Début de renaissance
En 1991, sept kilomètres entre Dà Lat et Trai Mat ont été réhabilités à des fins touristiques par le secteur des chemins de fer du Vietnam. Ensuite, quatre wagons et une locomotive à moteur diesel (pas la loco à vapeur d’autrefois que l’on peut admirer dans la gare de Dà Lat) ont été restaurés. «Les touristes sont de plus en plus nombreux d’année en année», se félicite le chef de gare de Dà Lat, Ngô Minh Châu. En 2011, 47.000 personnes ont pris ce train dont 20.000 étrangers. Encore une attraction qui va ajouter au romantisme de cette ville d'altitude, considérée déjà comme une destination phare pour les voyages de noce.
En 2007, le souhait d’une restauration complète de la voie Dà Lat-Phan Rang est revenu avec l’établissement d’un projet de réhabilitation de l’ensemble de la voie par le ministère des Communications et des Transports. Coût prévisionnel : 5.000 milliards de dôngs, sous forme de contrat de construction-opération-transfert (abréviation en anglais : B.O.T.). Il est prévu qu’elle soit opérationnelle en 2015. Seul problème : faute de finances, les travaux n’ont pas encore démarré...
Les deux provinces de Lâm Dông et de Ninh Thuân sont déterminées à faire aboutir ce projet. Lâm Dông l’a classé dans sa liste des ouvrages en attente d’investissement pour la période 2010-2020, avec un montant estimé à 320 millions de dollars. Quant à la province de Ninh Thuân, son plan de développement socio-économique, adopté par le gouvernement, comprend également une restauration de la voie Dà Lat-Phan Rang dans un but de développement touristique et de coopération avec la ville de Dà Lat.
Xuân Lôc/CVN