>>Médecins retraités face à la lutte du COVID-19
Le docteur Nguyên Trung Câp. |
Retirant son uniforme de protection, le docteur Nguyên Trung Câp, chef du Département des urgences à l’Hôpital central des maladies tropicales, à Hanoï, sort de la zone de soins aux patients du COVID-19. Il reste debout, immobile, pendant quelques instants dans le couloir, l’air fatigué.
À midi, ce Service d’urgence est tranquille. Le long du couloir, tous les 10 m environ, est posé un panneau d’avertissement : "Zone d’isolement". L’Hôpital central des maladies tropicales reçoit les plus graves cas de maladies infectieuses. Lorsque l’épidémie de coronavirus a débarqué, il est devenu l’établissement clé dans le traitement au Nord. Actuellement, il prend soin d’une soixantaine de patients, dont trois dans un état grave.
"Je m’habitue au manque de sommeil"
Clignant des yeux manifestement épuisés par le manque de sommeil, le médecin partage : "Auparavant, quand j’étais stressé au travail, je me promenais autour de l’hôpital. Maintenant, de peur d’une contamination pour nous et pour notre entourage, je ne sors pas de l’enceinte du département".
Tous ses besoins quotidiens, comme ceux de ses collègues en première ligne dans ce combat, sont pris en charge par l’hôpital. "Bien sûr, on ne peut avoir un rythme de vie normal comme à la maison. Mais on n’a pas le choix. Et comme tout le monde, je m’habitue au manque de sommeil", confie le quinquagénaire.
Depuis le début de la pandémie, Nguyên Trung Câp n’a eu qu’une semaine de congé auprès des siens, après la première phase de traitement des patients achevée le 31 janvier. Quand la deuxième phase de contamination a débuté, il est retourné tout de suite à l’hôpital et travaille depuis aux côtés de 150 médecins et infirmiers, en première ligne, c’est-à-dire au contact direct des cas contaminés.
Le docteur raconte que lors de la première phase, il n’y avait que cinq patients, en provenance de la province septentrionale de Vinh Phúc (faisant partie d’un groupe d’ouvriers revenant de la ville chinoise de Wuhan, épicentre de l’épidémie), mais aucun cas grave. Dans la deuxième, ce nombre a augmenté de dix fois, avec des cas graves, obligeant l’hôpital à mobiliser la moitié de son personnel, avec en plus des médecins de l’hôpital Bach Mai.
Une journée de travail du docteur Câp et de ses collègues commence tôt et suit les règles suivantes : consultation des malades, réception des nouveaux cas, réunions pour donner les schémas de traitement pour chaque cas concret. Le "commandant" a divisé le personnel du département en quatre équipes qui se partagent trois tranches d’horaires : matin, après-midi et soir.
Selon lui, les patients au Vietnam sont principalement traités avec des médicaments et selon la gravité des symptômes. Pour ceux ayant des maladies préexistantes ou en état d’insuffisance respiratoire aiguë ou présentant des lésions pulmonaires sévères, les médecins doivent procéder à une ventilation artificielle accompagnée parfois d’une dialyse. Les cas plus graves doivent recourir à l’oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO - Extracorporeal membrane oxygenation), une technique de circulation extracorporelle offrant une assistance à la fois cardiaque et respiratoire à des patients dont le cœur et/ou les poumons ne sont pas capables d’assurer un échange gazeux compatible avec la vie.
Le docteur Nguyên Trung Câp (gauche) et deux confrères, en tenue de protection, au chevet d’un malade atteint du coronavirus. |
"Combattre jusqu’à anéantir l’ennemi"
M. Câp a avoué son inquiétude après que deux collègues (patients No116 et No141) aient été infectés. "À vrai dire, nous étions déjà très prudents depuis les nouvelles concernant des médecins infectés en Chine. Dans ce métier, quand un collègue est contaminé, les autres savent que le risque pour eux de l’être aussi est élevé", affirme-t-il. Heureusement, l’état de santé des médecins infectés est stable, avec absence de toux. "Le pronostic est bon. Ceux qui ont eu des contacts étroits avec eux ont eu le premier résultat de test négatif. Pourtant, ils doivent continuer à être isolés", informe-t-il.
Dès le début de l’épidémie, le niveau d’alerte à l’hôpital est toujours à son maximum. "Le risque de contamination est inévitable pour le personnel médical, et ce malgré le strict respect des mesures de protection", confie-t-il. Et de préciser que les masques de protection N95 permettent de barrer la route à 95% des agents infectieux. Seuls les N100 ou P100 assurent une protection totale, mais ils ne sont pas encore disponibles.
Malgré les risques élevés, le docteur garde le moral et restera fidèle à son poste jusqu’à ce que l’ennemi soit terrassé. Chaque jour, il rassure ses collègues, leur disant qu’il faut être toujours prudent mais aussi confiant. Propagation du virus oblige, cela fait deux mois que Nguyên Trung Câp ne côtoie pas sa famille.
"Pour nous, cette période est celle du sacrifice à son métier. Ma famille, elle me manque beaucoup, mais pour l’heure, je dois rester concentré dans ma mission. On ne sait pas quand finira cette pandémie, alors il faut continuer le combat jusqu’au bout", sourit-il.
Texte et photos : Thuy Quynh - Linh Thao - Ngoc Thành/CVN