Chu Mom Ray, royaume des primates

Le Parc national de Chu Mom Ray, sur les hauts plateaux du Centre, est un véritable havre de paix pour la faune et la flore menacées. Il est notamment réputé pour sa grande diversité de primates. Plongée au cœur de la jungle.

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Des animaux victimes des braconniers sont relâchés dans la nature après être guéris.

Le Parc national de Chu Mom Ray, anciennement Réserve naturelle de Chu Mom Ray, est situé à environ 30 km au nord-ouest de la ville de Kon Tum, à cheval sur les trois districts de Sa Thây, Ngoc Hôi et Ia Hdrai. D’une superficie de 56.000 ha, il est adjacent au Parc national de Virachey au Cambodge et à des aires protégées du Sud du Laos, l’ensemble constituant un continuum de 700.000ha d’espaces plus ou moins préservés, particulièrement importants pour la conservation de la biodiversité en Indochine. Chu Mom Ray a été reconnu comme site patrimonial de l’Asie du Sud-Est en 2004.

Des centaines d’espèces menacées

Parmi les milliers d’espèces de plantes et d’animaux que compte le Parc national de Chu Mom Ray, 245 sont considérées comme menacées à des degrés divers, les plus emblématiques étant certainement les primates.

«Nous considérons les singes comme les +habitants autochtones+ de la forêt. Ils sont si proches de nous, les humains. Chaque midi, 30 ou 40 se rassemblent au bien-nommé ruisseau Khi (Singe) pour s’amuser et se baigner, informe Trân Quôc Tuân, directeur adjoint du Centre de sauvetage, de conservation et de développement des êtres vivants. À première vue, tous ces singes semblent appartenir à un seul groupe. Mais après plusieurs années d’observation, nous nous sommes aperçus qu’ils appartiennent en fait à plusieurs groupes différents, chacun comprenant de quatre à six membres unis par des liens familiaux, comme chez nous les humains. Ils protègent leur territoire, rivalisent pour l’accès à la nourriture et il y a toujours un leader dans chaque groupe».

Âgé de 32 ans, M. Tuân travaille depuis huit ans au Parc national de Chu Mom Rây. Sa passion pour la forêt et ses habitants est évidente. Il nous a amenés dans son centre où des animaux victimes des braconniers se rétablissent. Des pythons jouxtent des varans, des doucs à pattes rousses… Ils seront relâchés une fois jugés aptes pour un retour dans la nature.

En nous voyant, un bébé singe a poussé un petit cri, est venu vers nous et s’est accroché à Tuân. Il est soigné par Tuân et ses collègues depuis plus d’un an. Bien qu’il soit guéri et que sa cage soit toujours ouverte, il n’ose pas retourner en forêt, préférant la compagnie de ses sauveurs à celle de ses congénères.

«Quand il a été amené ici, il était faible et nécessitait une attention de tous les instants, comme un nouveau-né. Sa mère avait probablement été tuée. Il a fallu le nourrir avec du lait et lui donner de l’affection. Il est chanceux d’avoir survécu», fait savoir Tuân. Selon lui, son centre recueille chaque année des milliers d’animaux. Parmi tous ces rescapés de la bêtise humaine, certains sont dans un tel état que, malgré tous les efforts, ils ne survivent pas.

Chu Mom Ray a été reconnu comme site patrimonial de l’Asie du Sud-Est en 2004.

Selon Dào Xuân Thuy, directeur adjoint du Parc national, ses jeunes collègues du Bureau des sciences et de la coopération internationale sont devenus, grâce à des centaines d’heures de terrain, de véritables spécialistes des primates. «Ils peuvent identifier les espèces à leurs cris, dit-il. Ces cris nous aident à repérer les groupes dans la jungle épaisse, parfois à plusieurs kilomètres. Dans cette végétation exubérante, l’ouïe est plus utile que la vue», explique Tin, un cadre du Bureau.

Un parc qui n’a pas livré tous ses secrets

Observer ces primates dans leur habitat naturel n’est pas une sinécure. Des heures de marche par monts et par vaux sont nécessaires, dans une atmosphère saturée d’humidité, avec la compagnie désagréable de hordes de moustiques et de sangsues. Mais la récompense est au bout de l’effort... En été, à 05h00 du matin, les appels mélodieux des gibbons commencent à animer la canopée, réveillant toute la forêt. Les groupes se répondent, à distance. Puis les hurlements cessent, les animaux se concentrant sur la recherche de nourriture. Une quête qui va occuper une grande partie de leur journée.

«Après près de deux ans d’étude, nous estimons que le parc abrite entre 20 et 30 groupes de gibbons», ajoute Tin. Malgré plus de 20 ans sur place, le directeur adjoint Dào Xuân Thuy avoue que certains coins du parc lui sont encore inconnus. «De nombreux mystères attendent d’être découverts», assure-t-il.

En 2010, des herpétologues ont trouvé trois nouvelles espèces de reptiles dans le parc : un gecko (Cyrtodactylus pseudoquadrivirgatus) et deux serpents (Amphiesma leucomystax et Opisthotropis cucae). L’étude du riche bestiaire de cette forêt luxuriante se poursuit, et de nouvelles surprises sont à attendre dans les années à venir.


Huong Linh/CVN

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