Chinh khi ca ou le chant du Souffle de la Droiture

Selon notre ancienne cosmogonie, l’univers dont fait partie l’homme est régi par le Chinh khi (Souffle de la Droiture). D’où l’éthique du Sage : il doit contribuer sa vie au maintien de ce principe vital, même au risque de perdre sa vie. Exemple de Hoàng Diêu, le vaillant gouverneur de la capitale.

Chinh khi ca ou le chant du Souffle de la Droiture est un poème épique de 140 vers. Il est composé ver la fin du XIXe siècle et attribué à un lettré patriote, Nguyên Van Giai. Il est contemporain de l’agression colonialiste française au Vietnam. L’auteur y célèbre l’héroïsme du gouverneur de Hanoi, Hoàng Diêu (1828-1882) et du peuple hanoïen tout en dénonçant la lâcheté de la Cour des Nguyên (1802-1945) qui, après des concessions successives, finit par se rendre à l’ennemi.

Le gouverneur Hoàng Diêu.
Photo : CTV/CVN

Hoàng Diêu, honoré au titre de Pho bang (Docteur ès humanités du 2e tableau) à 22 ans est gouverneur de la province de Hà Ninh englobant Hanoi et Ninh Binh. À ce poste, il sent dès le début le dessein des colonialistes français de conquérir le pays. Il demande à la Cour de prendre des mesures de défense nécessaire. Le roi Tu Duc le blâme, l’accusant de donner des conseils «inopportuns». Début 1882, les Français attaquent Hanoi. Hoàng Diêu dirige vaillamment la défense. Après la perte de la citadelle, il se suicide. Nous donnons ici quelques extraits du Chinh khi ca traduits par Lê Thuoc.

I. Hoàng Diêu organisa la défense

Le gouverneur de Hà Ninh (1), connu sous le surnom de Quang Viên, était d’une fidélité incomparable.

À cause de sa longue expérience des affaires délicates et périlleuses, il était, par décision royale, chargé de cette fonction importante depuis trois ans à peine.

Ardemment désireux d’anéantir les envahisseurs, il fit des travaux de défense, bien qu’il entretînt avec eux des relations apparemment pacifiques.

Ce fut au troisième mois de l’année Nhâm Ngo(2), le huitième jour, au matin, dès le début de l’heure Thin (3).

Prévoyant ce qui devait arriver, il avait pris ses dispositions pour parer à toute éventualité.

Sur son ordre, plus de cent gradés et deux mille soldats d’élite se tinrent prêts sur la citadelle.

Il leur fit prêter serment en leur offrant à chacun un verre d’alcool de riz.

Exhortés par ses paroles, les mandarins comme les officiers jurèrent de faire leur devoir sans défaillance.

Cua Bac ou la Porte d’entrée Nord (dans la Cité impériale de Thang Long, Hanoi). On y réserve aujourd’hui, en haut, un pavillon pour le culte du gouverneur Hoàng Diêu.

II. L’attaque française

À peine eut-il achevé de donner ses ordres,

Que déjà parvenait du dehors le bruit assourdissant d’une canonnade intense.

Poussés par une colère si violente que leurs cheveux dressés

Soulevèrent leur bonnet, tous, officiers et soldats, étaient décidés d’en finir avec ces bandes de chiens et de chèvres, leur agresseurs

De tous côtés, le feu fulminait, les canons grondaient.

Et les diables blancs tremblaient déjà pour leur carcasse.

Voyant nos tirs causer de nombreux morts dans les rangs ennemis,

Les habitants de la ville éclatèrent en cris de joie tumultueux.

Fiers de ces succès et encouragés par ces applaudissements,

Nos soldats tinrent solidement les portes de l’Est et du Nord.

Maudits soient ces assaillants, malpropres et puants,

Ils seront, cette fois-ci, balayés jusqu’au dernier.

Mais qui eût prévu que notre manque de vigilance

Aurait changé la victoire en défaite ?

Des traîtres se sont faufilés parmi nous,

Et ont mis le feu au magasin à poudre !

La rue portant le nom de Hoàng Diêu à Hanoi.

III. Hoàng Diêu se pendit

Frappé par une tempête de malheurs et un orage de détresse

Il sentit son courage de fer surchauffé et son cœur de pierre endolori !

Isolé dans sa fidélité,

Il décida de confier son âme douloureuse à la branche d’un arbre.

Quel le Ciel si haut, que la mer immense, que la terre profonde

Soient témoins de son action dont le mont Nùng et le fleuve Nhi (4) gardent éternellement le souvenir en cet endroit.

Hélas ! Dans ce moment terrible et angoissant,

Qui pourrait s’empêcher d’éprouver une pitié fervente pour le Grand Patriote,

Aussi, les citoyens recueillirent-ils des offrandes pour lui faire des funérailles dans le jardin du collège municipal.

Quel spectacle douloureux et navrant que ces murailles en ruines, ces plantes meurtries et ces fleurs ravagées !

Huu Ngoc/CVN

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(1) Hà Ninh : Actuellement Hanoi et la province de Ninh Binh.
(2) Nhâm Ngo : Année du Cheval en 1882.
(3) Gio Thìn : à 08h00 du matin.
(4) le mont Nùng et le fleuve Nhi (Fleuve Rouge) : symboles de Hanoi.

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