Cannes : Marco Bellocchio revient sur les derniers jours d'Aldo Moro... en série

1978, les années de plomb à Rome : Aldo Moro, à la tête du Parti au pouvoir, est enlevé par les Brigades rouges puis assassiné. Un traumatisme pour l'Italie, une obsession pour Marco Bellocchio, qui l'aborde pour la deuxième fois de sa carrière, cette fois-ci dans une série.

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Le cinéaste italien Marco Bellocchio, à Cannes, le 18 mai.
Photo : AFP/VNA/CVN

Pour le cinéaste, revenir sur cette tragédie italienne vingt ans après son film Buongiorno, notte était "très important". "J'ai un regard totalement différent aujourd'hui, moins politique", assure-t-il.

Quand débute Esterno Notte (Extérieur nuit), présenté hors compétition mercredi au Festival de Cannes, l'Italie est déchirée par la violence politique, qui oppose les Brigades rouges, principale organisation armée d'extrême gauche, et l'État. Dans un geste d'apaisement, et contre la pression du bloc occidental, le président de la démocratie chrétienne Aldo Moro décide de s'allier aux communistes.

Le jour-même de l'installation du nouveau gouvernement, Moro est kidnappé lors d'une embuscade des Brigades rouges dans laquelle ses cinq gardes du corps sont tués. Un choc, un traumatisme pour toute l'Italie, qui vit alors "sa première tragédie en direct", selon les termes de Marco Bellocchio, 82 ans, qui raconte : "Il n'y avait pas la télé 24h/24 comme aujourd'hui, mais tout le monde lisait les journaux".

Après 55 jours haletants, ponctués de faux communiqués, de lettres de supplications de l'otage, Aldo Moro est tué. "Beaucoup de jeunes à l'époque étaient pour ce genre d'opération révolutionnaire qui avait eu une belle réussite, mais personne ne s'attendait à une telle fin". Quand Buongiorno, notte restait "à l'intérieur de la prison", Esterno, notte ne montre presque rien de la captivité d'Aldo Moro.

Le maestro a profité du format de la série pour scruter les puissants de l'époque: le ministre de l'Intérieur, Francisco Cossiga, que le drame rend physiquement malade et laisse au bord de la démence, ou encore le pape Paul VI, qui lutte contre un corps en fin de vie pour tenter de sauver celle d'Aldo Moro en négociant secrètement sa libération à renfort de liasses de billets.

Dilemme

Dans chaque épisode de la série (6 x 50 minutes), Bellocchio s'attarde sur un protagoniste de cette tragédie, à grands renforts de gros plans : Aldo Moro (Fabrizio Gifuni) lui-même, Cossiga donc (Fausto Russo Alesi) et Paul VI, excellent Toni Servillo. L'égérie de Nanno Moretti, Margherita Buy, incarne à merveille l'épouse d'Aldo Moro, seule face à la médiocrité et à l'impuissance des "grands" au pouvoir.

Une classe politique est sévèrement dépeinte par Bellocchio : impuissante face à la violence des Brigades rouges, mesquine quand il s'agit de sauvegarder ses places au gouvernement, déplacée lorsqu'elle présente des condoléances prématurées à Eleonora Moro. À travers le personnage d'Adriana Faranda, pasionaria du mouvement impliquée dans l'enlèvement d'Aldo Moro, Marco Bellocchio aborde avec finesse le dilemme d'une révolutionnaire dont la certitude "à un moment donné, entre en crise".

Cette mère célibataire, en couple libre qui a sacrifié sa fille, selon ses mots, par romantisme révolutionnaire, incarne avec les étudiants d'extrême gauche le choc des générations, avec des parents sous le joug de la religion catholique et de la famille comme institution sacrée.

La série est présentée dans la sélection Cannes Première, un an après la Palme d'honneur remise à son réalisateur pour l'ensemble de sa carrière. La première partie d'Esterno notte doit sortir mercredi 18 mai au cinéma en Italie, puis sera diffusé à la télévision à l'automne, sur la Rai italienne, et simultanément en France sur Arte (qui coproduit la série).


AFP/VNA/CVN

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